Rencontres de l’UDECAM : un écosystème média uni, mais pas encore assez

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Si les organisateurs des Rencontres de l’UDECAM qui se sont déroulées mardi avaient pour objectifs de permettre un débat ouvert, sans faux-fuyants, afin de crever quelques abcès autour de sa thématique du jour, « le défi du trading média : efficacité et agilité dans la complexité », ils ont été (bien) servis.

Cette « conférence a été au-delà de nos espérances en termes de débat », a ainsi estimé Thomas Jamet, président de l’UDECAM. Parce que quelques-uns de ses participants, régies, agences média et annonceurs, avaient peut-être quelques comptes à régler, à fleuret moucheté, pour se dire les choses. Ainsi, dès la 1ère table-ronde qui s’interrogeait sur « comment redonner de l’agilité au marché », Anne Thetier, directrice générale d’Omnicom Media Group et présidente de la commission Trading de l’UDECAM, pointait-elle notamment la « complexité » des historiques Conditions générales de ventes des régies TV et de celles des radios qui viennent de faire leur apparition dans le paysage. « Je constate auprès de mes équipes qu’elles ont affaire à des centaines de pages à lire et qu’elles sont contraintes de constituer des tableaux Excel de plusieurs milliers de cellules pour la création d’un dispositif média, ce n’est pas la meilleure façon de négocier avec les régies », a-t-elle indiqué d’entrée. Le temps pour Sylvia Tassan Toffola, directrice générale de TF1 Pub, de dégainer son argumentaire sans langue de bois avec toutes les précautions d’usage, de partenaire à partenaire. Franchement : « en tant que régie, nous ne sommes pas la cause directe de cette complexité. C’est la résultante d’un problème de reconnaissance de la valeur », avance-t-elle. Et de lister les griefs à l’égard des agences médias et de l’écosystème : « on nous demande de baisser les prix, pendant ce temps-là tous vont chez Google et Meta parce que c’est plus simple et chez Netflix qui propose rien de moins qu’un CPM à 49€, alors que chez TF1 nous faisons du digital mesuré. Tant que vous ne l'accepterez pas, nous ne serons pas alignés. N’oublions pas que lorsqu’il y a de la brand safe ou encore de la data, tout cela a de la valeur. Arrêtez de considérer notre offre digitale comme une variable d’ajustement ». Quelque part, pour elle, cette complexité est peut-être d’ailleurs un « réflexe de défense ». De son côté, Marie Renoir-Couteau, présidente de la régie Lagardère Publicité News, abonde : « nous avons déjà tout donné, nous n’avons plus grand-chose à donner sinon de la productivité qui entraine une véritable dégradation du contrat. Nous en sommes là ».

La « sauvagerie » du digital

Pour Philippe Boutron, coordinateur media de Stellantis, l’avènement du digital a apporté une certaine « sauvagerie » par rapport à « l’entre soi que nous avions longtemps eu » avec les médias dits historiques. Il y a selon lui une forme de violence dans les affaires, mais « c’est normal dans le monde industriel » où le directeur des achats doit « maintenir un niveau de prix ». Dans ce cadre, « il n’y a pas de faux-semblants, nous faisons de la productivité pour faire toujours plus avec la même valeur. Oui, c’est dur, mais c’est le seul moyen », souligne-t-il. Et « nous avons toujours besoin de preuve de l’efficacité ».

La très attendue seconde table-rond avec pour thème les « nouveaux métriques » n’a pas non plus été un long fleuve tranquille dans cette matinée de l’UDECAM. « Nous n’avons aucune donnée consolidée et pas non plus les mêmes niveaux de transparence selon les médias alors que pour prendre des décisions j’ai besoin d’informations », soutient ainsi Myriam Riedel-Kienzi, Global Marketing Director de Yoplait. Pour Céline Baeza, DGA d’Arena Media, « le CPM n’exprime pas la même chose sur chacun des différents médias. Le CPM est extrêmement inflationniste, ce qui dégrade le ROI. Il faut savoir ce que l’on veut », insiste-t-elle. Alors que pour Raphaël Pivert, directeur de GroupM Business Media Science, il est aujourd’hui bien plus difficile de mesurer les différents supports publicitaires avec le digital qui a « cassé » tout cela. Et ce n’est pas en « rajoutant » simplement Netflix ou Prime Video dans la mesure que cela « changera quelque chose ». Il faudra selon lui, quoi qu’il en soit « modéliser pour arbitrer. Mais il faut de la transparence pour être comparable ». Pauline Butor, directrice YouTube Ads, est quant à elle prête : « nous sommes candidat à la mesure car il est urgent d’avancer pour mesurer les usages et optimiser les stratégies à l’heure de l’avènement du streaming et de la TV connectée », plaide-t-elle. Chez YouTube, « la télévision est le deuxième écran de visionnage après le mobile, représentant un tiers de notre public qui n’est pas pris actuellement en compte dans les mesures », explique-t-elle. Il faudra toutefois selon elle quelques principes dans celles-ci : le respect des données personnelles, une mesure cross-media comparable et une mesure transparente, tierce à la méthodologie « robuste et auditée ».

Vers des partenariats technologiques « puissants » pour Médiamétrie

Le président de Médiamétrie Yannick Carriou qui s’est récemment illustré en appelant vigoureusement les plateformes de SVOD à jouer le jeu de la mesure, ne dit pas autre chose. Pour lui, il faut arriver à « réunir tout le monde » en laissant la « complexité derrière nous » pour discuter. Et avancer. Il ne nie cependant pas la difficulté technologique d’unifier la mesure, de définir ce qu’est une impression, comment qualifier un contact ou encore ce que sera le périmètre étudié. Mais le dirigeant veut aller vite et annonce que des partenariats technologiques « puissants » sur la mesure seront signés « avant Noël », appelant une fois encore les plateformes à rejoindre le mouvement afin de lancer « rapidement » la discussion dans le cadre d’un calendrier qui pourrait voir aboutir celle-ci en 2023-2024…

En conclusion de ces Rencontres de l’UDECAM, le directeur général de l’Union des Marques Jean-Luc Chetrit a incarné le juge de paix, mais pas sans propositions et feuille de route possibles. Dans ce monde du « en même temps », en effet, nous « ne pouvons pas faire l’économie du sujet de l’efficacité par rapport au long terme », souligne-t-il. Alors que « fait-on ? », interroge-t-il. D’abord, mettre en place « une méthode » car « il faut travailler ensemble », propose-t-il. Ensuite, agir sur les leviers, car les mesures sont certes « complexes » mais doivent être « complémentaires ». Il invite ainsi l’écosystème à notamment regarder du côté des Britanniques sur les avancées de leurs initiatives cross-media. Enfin, côté automatisation des échanges, il appelle à une « simplification » et à une « standardisation » avec le Shared Campaign Identifier (SCID et ex Trust.id), l’initiative de traçabilité et transparence des campagnes via un identifiant unique lancé mi-2021 par EDIPUB en partenariat avec l’IAB France, l’IAB Europe, l’Union des marques, l’UDECAM, le SRI et l’IAB Tech Lab. Si M. Chetrit convient que Google « résiste un peu » face à la grande transparence engendrée par le SCID, il faut mettre « la pression collectivement » pour son adoption. Le directeur général de l’Union des Marques conclut : « la productivité, ce n’est pas que le sujet du coût unitaire de l’impression. Ce n’est pas cela qui va nous faire gagner ».

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