TF1 et M6 ne feront plus qu’un

Nicolas de Tavernost

Nicolas de Tavernost, actuel président du directoire du groupe M6

Ce qui était inimaginable il y a encore 6 mois, un peu moins depuis plusieurs semaines, devient depuis le 17 mai 2021, à 22h, une réalité. Dans un communiqué commun, les groupes TF1 et M6 ont annoncé entrer en négociations exclusives « en vue d’apporter une réponse française aux défis des plateformes mondiales ». En clair, les deux groupes audiovisuels entendent fusionner leurs activités, un projet « approuvé à l'unanimité par les conseils d'administration de Bouygues, RTL Group et TF1 et le Conseil de surveillance de M6 ». Une fusion qui prendrait la forme d’une prise de participation d’un montant de 641 millions € du groupe Bouygues, maison mère de TF1, soit 30% du capital du groupe M6 auprès de son actionnaire allemand Bertelsmann. RTL Group demeurerait actionnaire à hauteur de 16%. Quelque 54% du capital du nouveau groupe serait donc coté en bourse.

Côté gouvernance, c’est le triomphe annoncé de Nicolas de Tavernost, actuel président du directoire du groupe M6, qui prendra la tête du nouvel ensemble constitué tandis que l’actuel président du groupe TF1, Gilles Pélisson, se verrait confier les fonctions de directeur général adjoint du groupe Bouygues, chargé des médias et du développement. Le conseil d’administration serait quant à lui constitué de 12 membres, dont 4 administrateurs désignés par Bouygues, 2 administrateurs désignés par RTL Group, 3 administrateurs indépendants, 2 administrateurs représentant les salariés et 1 administrateur représentant les salariés actionnaires. L’entité issue de la fusion pourrait également se doter d’un nouveau nom : « une nouvelle dénomination sociale reflétant la richesse des activités du nouveau groupe fusionné serait déterminée », indique le communiqué commun. Si la réalisation définitive de l’opération serait prévue « d’ici la fin de l'année 2022 », l’opération reste toutefois soumise à l'approbation des actionnaires de M6 et de TF1 réunis en assemblées générales extraordinaires ainsi qu’à l'autorisation de l'Autorité de la Concurrence et celle du Conseil Supérieur de l'Audiovisuel (CSA). Une fois rassemblés, le nouveau groupe représenterait un CA de 3,4 milliards € (pro Forma 2020) tandis que le potentiel de synergies est estimé « dans une fourchette de 250-350 M€ annuels à l’issue des 3 premières années d’activité suivant la clôture de la transaction », assure-t-il.

Des contraintes réglementaires lourdes

Il n’en reste pas moins que ce processus d'acquisition sera soumis à de fortes contraintes réglementaires sur la concentration des médias. En effet, seules sept autorisations pour diffuser sur les ondes hertziennes peuvent être accordées à un même groupe de télévision. Le groupe M6 détenant déjà cinq fréquences (sa chaîne éponyme, W9, 6ter, Gulli et Paris Première), un rachat par TF1 également propriétaire de cinq canaux (TF1, TMC, LCI, TFX, TF1 Cinéma Séries) impliquerait la cession de trois chaînes. Des limites légales existent également pour la radio, un ensemble de stations ne pouvant émettre pour plus de 150 millions d'auditeurs cumulés. Avec 114 millions d'auditeurs fin décembre 2019, les trois stations de M6 (RTL, RTL2 et Fun Radio) ne pourraient par exemple pas intégrer ensemble le groupe NRJ (124 millions d'auditeurs) ni le groupe Altice (les stations RMC et BFM Business de NextRadio cumulent 58 millions d'auditeurs). TF1 n'est en revanche pas présent dans la radio. Le point décisif sera le feu vert des autorités anti-trust. Le mariage de la première et de la troisième chaîne du paysage audiovisuel français ferait en effet émerger un acteur géant de la télévision dépassant France Télévisions avec plus de 30% de part d'audience et représentant les trois quarts du marché publicitaire sur le média. De même, autres contraintes, ainsi, l'Autorité de la concurrence ne pourrait autoriser l'union qu'en élargissant la définition de marché pertinent applicable à la télévision, pour en diluer le poids du groupe alors que d’un point de vue boursier, la loi empêche enfin un actionnaire de détenir plus de 49% d'un groupe de télévision. Bouygues détiendrait 30% du groupe, Berteslmann garderait 16% et le reste serait coté en Bourse.

Le groupe Bertelsmann ne faisait clairement plus mystère de sa volonté de vendre le groupe M6 qui avait fait l’objet d’une cour assidue, outre TF1, de Vivendi (Canal+), Xavier Niel, ou encore de l'entrepreneur tchèque Daniel Kretinsky, selon des informations de presse. « La consolidation est une impérieuse nécessité pour que le public français et l'ensemble de la filière continuent de jouer un rôle prédominant face à une concurrence internationale exacerbée qui connait une accélération fulgurante », indique M. de Tavernost dans le communiqué, lui qui a toujours été vigoureusement opposé à un démantèlement de son groupe.

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