La TV segmentée entre dans la réalité du marché

Sophie Poncin Marianne Siphroudis

Alors que FranceTV Publicité annonce le lancement des premières campagnes linéaires avec Orange en novembre et décembre*, retour en détail sur cette nouveauté avec Marianne Siproudhis, directrice générale de FranceTV Publicité et Sophie Poncin, directrice déléguée d’Orange Advertising.

CB News : La TV segmentée fait ses premiers pas, est-ce qu’elle tient ses promesses ? Les annonceurs sont-ils au rendez-vous et qu’attendent-ils ?

Marianne Siproudhis- Après 4 phases de tests sous forme de POC en 2018 et 2019 afin de valider les normes techniques et la qualité de substitution des spots sur quelques milliers de foyers, nous avons travaillé avec les opérateurs pour convenir d’un accord en préparation du décret nous autorisant la TV Segmentée en France. Dès fin juillet, nous étions prêts grâce à ces premiers partenariats stratégiques avec Orange et Bouygues Telecom à ouvrir la voie de la TV segmentée au marché publicitaire. Cette innovation est essentielle pour notre secteur et nous nous réjouissons de savoir que nos confrères vont bientôt permettre d’élargir ce dispositif. Je remercie Marion Deridder Blondel, Ségolène de Marsac, Philippe Boutron, Laurent Broca, Pierre Calmard, Fernando Da Costa, Mathieu Morgensztern, Aurélien Pernot Gautier Picquet et Flavien Taquet pour leur message de soutien dans nos initiatives d’innovation pour ouvrir ce marché. Les débuts de la commercialisation prouvent que la TV segmentée devrait intéresser un large panel d’annonceurs, et c’est en cela une innovation majeure pour notre secteur : des annonceurs locaux ou en réseaux pour les capacités de géolocalisation ; de nouveaux annonceurs en TV pour les capacités de ciblage et un ticket d’entrée plus accessible ; et des annonceurs TV actifs pour la personnalisation des messages par cible, les gains de couverture ou pour des campagnes sur des cibles plus tactiques.

Les annonceurs bénéficient non seulement de la puissance de France Télévisions (avec une couverture impressionnante de 98 % des Français sur le dernier mois d’octobre) et de la spécificité du maillage régional de France 3. Les chaines France 3 Régions sont autorisées à mettre en avant, dans les spots publicitaires, l’adresse physique des points de vente, contrairement aux chaînes nationales, et dans tous les cas la TV segmentée est une belle opportunité de communiquer localement sur un bassin aux contours travaillés précisément, pour des primo-accédants en télévision. La phase qui s’est ouverte fin octobre et va durer jusqu’à fin décembre est une phase pilote avec la commercialisation et la diffusion de 11 campagnes commerciales sur près d’un million de foyers équipés de décodeurs Orange avec une moyenne de 400k impressions par campagne. D’un point de vue de l’expérience téléspectateur, tout est parfaitement en ligne avec le niveau de qualité attendu. Nous ne sommes plus du tout à l’échelle du « laboratoire ».

CB News : La réussite de cette nouvelle offre repose sur la taille du parc susceptible d’en profiter, quelles sont les perspectives à moyen et long terme ?

Sophie Poncin - Il est évident et nous en avons pleinement conscience, que la taille du parc sera un facteur clé de succès de la TV segmentée. Cela dépend de deux choses : notre capacité à équiper le plus rapidement possible l’ensemble de nos abonnés TV avec des décodeurs dernière génération et notre capacité à recueillir le consentement explicite de nos abonnés en les rassurant sur la pertinence de cette nouvelle approche publicitaire. Sur le premier point, rappelons qu’Orange connaît une dynamique exceptionnelle sur la fibre avec près de 4M de clients et un parc fibre qui a plus que doublé en trois mois. De quoi rassurer les plus sceptiques sur la capacité des opérateurs à être au rendez-vous de l’adressabilité. Concernant le consentement, c’est un point essentiel sur lequel nous travaillons depuis plus de 18 mois chez Orange. Nous avons déployé nos premiers parcours en mai 2019 ce qui nous permet aujourd’hui d’afficher dès maintenant un parc de 1M de décodeurs publicitairement adressables et qui s’élèvera à près de 1, 5M dès janvier 2021 au moment où nous passerons de la phase « pilote » au « MVP ». Et nous sommes confiants sur notre capacité à atteindre les 2M fin 2021. Parallèlement, nous testons de nouveaux parcours d’opt in qui nous permettrons également de continuer à faire évoluer les inventaires avec une dynamique significative.

CB News : En plus des avantages commerciaux, la TV segmentée est une prouesse technique. Quelles en sont les perspectives à plus long terme, notamment en ce qui concerne la mesure de l’efficacité ?

Marianne Siproudhis - La TV segmentée démarre par le périmètre technique qui porte majoritairement l’audience TV en France : à savoir l’IPTV. Nous travaillons activement pour que la TV segmentée concerne à terme l’ensemble des modes de réception et donc des Français (raccordement direct à la TNT, via satellite, etc.). Du point de vue de la commercialisation, après une phase de gré à gré, nous ouvrirons dès le premier semestre 2021 l’accès à la TV segmentée à travers notre plateforme de réservation et d’achat : ADspace, dans une déclinaison Entreprises (dédiée acteurs TPE/PME) qui facilitera largement les possibilités locales en TV segmentée. Par ailleurs notre plateforme ADspace, basée sur un système d’API, est connectée aux outils centraux des acheteurs. Donc tout acheteur ayant raccordé son outil, aura la possibilité de travailler la TV segmentée depuis une interface centrale. Enfin, nous construisons avec les autres régies TV, dans le cadre du SNPTV une uniformisation de nos offres, pour gagner en efficacité et simplicité. Notre volonté est de proposer une uniformité dans les possibilités de ciblage pour clarifier et faciliter le travail des acheteurs médias. Chacune de nos régies construira sa politique commerciale et ses packages tarifs.

La TV segmentée viendra ainsi efficacement compléter la TV linéaire pour de nouveaux annonceurs TV (locaux ou « digitaux ») comme pour des annonceurs actifs en TV en complémentarité d’une vague linéaire. Alors que le décret autorisant la TV segmentée est paru il y a à peine plus de 3 mois, la TV segmentée est déjà opérationnelle sur nos antennes via les décodeurs d’Orange et ce produit continuera à être régulièrement enrichi (nombre de ciblages, canaux de commercialisation…)

Sophie Poncin - Effectivement, il est important de rappeler la prouesse technologique qu’il y a derrière le remplacement des spots. Il s’agit pour l’opérateur de suspendre un flux broadcast afin de remplacer un spot en local par le décodeur et de reprendre ensuite le flux linéaire et ce, « sans couture ». Les tests que nous avons effectués en septembre dernier avec les trois grands groupes de chaînes sur une centaine de décodeurs ont été particulièrement convaincants avec un taux d’échec très faible et des abonnés Orange « testeurs » satisfaits à plus de 98 %. Côté efficacité, avec la TV segmentée, nous assistons à la digitalisation du média TV qui s’exprime notamment par ce que l’on appelle « la voix de retour opérateur ». Il s’agit des KPI’s d’efficacité que les STBs sont en mesure de retourner à l’adserver des chaînes une fois le spot remplacé : taux d’exposition et taux de complétion, comme pour le Digital. Et cette « voix de retour » nous permet aujourd’hui d’être beaucoup plus ambitieux dans la mesure d’efficacité des campagnes TV. C’est le sens des partenariats que nous avons noués avec 3W-RelevanC et les enseignes du groupe Casino et, plus récemment avec Liveramp et sa plateforme Data+Math permettant aux annonceurs TV qui disposent de données de conversion post campagne (appel call center, data ticket de caisse…) de pouvoir faire le lien entre un abonné exposé à une campagne TV et son comportement d’achat post-campagne. Nous travaillons pour que ces solutions s’appliquent aux campagnes adressées quand le déploiement et les volumes le permettront et nous restons à l’écoute de toutes les initiatives qui permettront d’améliorer le suivi de l’efficacité.

*10 annonceurs diffusent, pour la première fois en France, une campagne de TV segmentée sur les chaînes de France Télévisions, via les décodeurs Orange, premier opérateur à lancer commercialement le service sur son parc de décodeurs TV : Carte Noire (Dentsu), EDF (Havas Media), Engie (Blue 449), Harrys (OMD), Intermarché (Publicis), Orange Maison protégée (Havas Media), PSA (GroupM), Reckitt Benckiser Healthcare (Dentsu), Renault (OMD) et Sanofi (GroupM).

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