L’économie numérique au cœur des médias

Les médias jouent un rôle fondamental au sein de nos sociétés. Vecteurs de démocratie, ils créent du lien social, exercent une influence sur l’opinion publique, produisent du consensus sur des sujets de société. Ils sont des acteurs de premier plan pour la production et la diffusion d’information. La diversité des titres, l’accès à l’information et le pluralisme des opinions sont des éléments fondamentaux pour notre liberté. Leur présence est donc indispensable pour un bon fonctionnement démocratique (Habermas, 1978).

La numérisation de l’information, et plus généralement l’arrivée d’Internet, sonne comme une véritable révolution disruptive pour la société dans son ensemble, au même titre qu’a pu l’être la révolution industrielle, remettant en cause les principaux leviers de la société. Internet bouleverse intrinsèquement les modalités de fonctionnement, de production et de consommation des biens jusqu’à modifier nos modes de production et d’échanges de l’information, de la connaissance et de la culture, entraînant une redéfinition de nos pratiques (Benckler, 2009). Formidable innovation dans sa capacité à créer (et à détruire) et à partager de la valeur, Internet est considéré comme l’outil le plus puissant d’échanges. L’innovation technologique a ainsi pénétré toutes les filières de contenus, notamment culturelles et médiatiques, et a vu l’avènement de nouveaux supports - tablettes numériques et smartphones. Cette révolution technologique s’accompagne à la fois d’une mutation sociologique via la généralisation de l’accès à Internet, des pratiques et des fréquentations renouvelées de l’écrit et d’un bouleversement économique, qui voit l’entrée de nouveaux acteurs dans la production de contenus, transformant les méthodes de production et de distribution, et donnant naissance à de nouveaux modèles d’affaires qui intègrent des caractéristiques propres à Internet : concentration, effets de réseaux puissants et fragmentation des audiences.

Les médias dans leur ensemble, et la presse écrite en particulier, constituent un formidable exemple d’industries qui voient leur mode organisationnel et économique traditionnels sortir du schéma tayloriste de production de masse pour tendre vers de nouveaux modèles qui tardent encore à s’installer et dont les frontières ne sont pas encore totalement dessinées. Si les modèles d’affaires – traditionnels et émergents – parviennent à coexister, l’arrivée de la TNT en mars 2005 et le déploiement de l’Adsl inscrivent les chaînes historiques dans un nouvel univers concurrentiel : le déploiement des opérateurs de Télécoms et des FAI comme Free, Neuf/SFR ou Orange a permis l’explosion de l’offre de chaînes de télévision, gratuites et payantes, et l’accès à une multitude de nouveaux services. Dans le secteur de la presse écrite, l’installation des gratuits sur le marché, la présence des pure-player et la fragilisation du modèle traditionnel des titres, du fait des lecteurs de moins en moins prêts à payer pour s’informer, constituent des bouleversements majeurs pour les entreprises du secteur.

La révolution numérique bouleverse aussi les règles de jeu traditionnelles parce qu’elle place l’internaute au cœur de ce nouvel écosystème où les médias ne sont plus les seuls producteurs d’information, ils doivent faire face à des internautes-consommateurs mais aussi prescripteurs, diffuseurs et producteurs de contenus. Les politiques de régulation ne peuvent échapper à cette métamorphose.

Nathalie Sonnac

Derniers ouvrages parus :

L’industrie des médias à l’ère numérique (avec Jean Gabszewicz), La Découverte, 2013.

L’économie de la presse à l’ère numérique (avec Patrick Le Floch), La Découverte, 2013.

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