Serge Papin : « Prospectus et Twitter doivent cohabiter »

Serge Papin, à la tête de System U, intervient lors des 4ème Rencontres de l’Udecam (4 septembre) sur l’évolution des rapports entre consommateurs, distribution et communication. Vaste chantier, qu’il dépeint en trois réponses.

- Pourquoi serez-vous à ces rencontres de l’Udecam et qu’en attendez-vous ?

- Notre coopérative évolue sur un marché qui concerne tous les Français, de 4 à 104 ans. Nos consommateurs sont urbains, ruraux, des CSP+, des gens avec peu de revenus… Je crois que l’activité de supermarché est celle qui réunit la plus grande diversité. Alors, nous sommes tenus d’être à l’écoute des évolutions mais nous sommes également tenus de ne pas oublier ceux pour qui toutes ces nouvelles technologies sont encore de la science-fiction ! Dans notre activité, il faut accompagner le modernité, mais pas la précéder. Rencontrer des professionnels, c’est important pour nous. Mais, inversement, c’est important pour eux de savoir qui nous sommes et les problématiques que nous rencontrons. C’est là un partage d’expérience bénéfique à tous. Par exemple, j'ai lu ces jours-ci que tous les patrons se devaient d’être sur Twitter… Et bien personnellement, je crois que dans l'immédiat ce jugement péremptoire est à moduler… Par exemple, je suis à la tête d’une coopérative et donc élu par mes collègues, je ne peux pas devenir la seule incarnation de mon groupe, il y aura après moi un autre président. Et Twitter a beau être formidable, c’est à double tranchant. J’y avais mon compte, je ne l’ai plus. Twitter peut avoir une "face sombre", et, manipulé, devenir "un déversoir à n’importe quoi". Nous avons été pris à parti violemment et instrumentalisé dans une controverse politique à propos d'une photo figurant sur un dépliant présentant des jouets de Noël… Par ma présence sur Twitter et malgré nos dénégations, j'ai été personnellement menacé… Vous m'accorderez que c'est allé un peu loin… Alors, il ne faut pas jeter bébé avec l’eau du bain mais chaque outil a sa place dans un vaste dispositif de communication. Et Twitter s’y trouvera à côté du prospectus, des médias classiques qui conservent toute leurs performances et leur légitimité.

- Entre le Système U d'hier et celui d'aujourd'hui : quels principaux bouleversements ?

- En fait, dans le commerce alimentaire, tout évolue mais les fondamentaux perdurent… Ceux qui avaient prédit la mort du supermarché classique pour l’avènement du cybermarché sont très loin de la vérité : l’un n’enterrera pas l’autre bien au contraire. L'évolution bien sur c'est que le consommateur est de plus en plus connecté, pour s'informer, pour comparer, pour échanger… Mais pour la majorité d'entre eux, l'acte d'achat se déroule encore dans un point de vente physique. Le drive bien que croissant ne représente que 4% de parts de marché. Le challenge pour nous, paradoxalement, est de cultiver et de développer les qualités traditionnelles du "bon commerçant", c'est-à-dire l'accueil, la compétence, la sélection des produits, le conseil… Globalement, intégrer une nouvelle technologie n'est pas le plus compliqué. C'est souvent une question de capacité à investir financièrement. Croyez moi, il est aujourd'hui plus difficile de recruter de bons bouchers ou de bons pâtissiers que d'intégrer un logiciel, tout simplement parce que ces compétences ne sont plus disponibles. Et l'avenir du commerce alimentaire, dans sa version libre-service sera de proposer le drive, et en même temps de pouvoir attirer et fidéliser le client. Un rayon boucherie traditionnel, où un professionnel sera capable de sélectionner la meilleure viande et de conseiller sur la meilleure façon de la cuisiner, c’est irremplaçable. Donc, dans l’alimentaire, le commerce électronique ne fera certainement pas disparaitre le supermarché. Il viendra s'ajouter naturellement s’ajouter à la panoplie de nouveaux services indispensables

- Et la communication dans tout ça ?

- Ce qui est impacté également, c'est la façon de communiquer avec le client. Et, même si nous manions digital, réseaux sociaux, médias classiques, une part conséquente de notre action passe par ce que l'on appelle la publi-promotion : des produits, des prix dans un prospectus papier imprimé et distribué en boite aux lettres. Là aussi, c'est depuis des décennies (et cela reste) un outil incontournable que le client réclame même s'il s'en défend… Le prospectus est un outil efficace, il attire les consommateurs. J’avoue qu’il n’est pas très subtil et qu’il y a quand même une forte déperdition… Alors nous apprenons de nouveaux langages, de nouveaux modes de communication et d’expression. Depuis maintenant des années, nous parlons de ciblage, de mailings ciblés, autant de techniques que rend possible la constitution de bases de données, et là aussi ce n'est pas la constitution le plus difficile mais l'exploitation pertinente… Surtout face à l’abondance de données dont nous pouvons disposer, de plus en plus personnalisées. En fait pour résumer, sur ces deux aspects commerce et communication, il faut rester à l'écoute et ne pas se laisser distancer. Mais il ne faut pas non plus aller plus vite que ce que le consommateur est capable d'assimiler au risque de le dérouter.

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