À quoi doivent s’attendre les annonceurs à l’ère de l’intelligence artificielle ?

Agences, annonceurs, marketeurs... l'intelligence artificielle va tout changer dans le secteur. Par le président et co-fondateur de Rocket Fuel

Beaucoup de gens seraient surpris d’apprendre que leur ordinateur les connaît mieux que leurs amis ou leurs proches. C’est pourtant ce que vient de révéler une étude publiée récemment par les universités de Stanford et de Cambridge. Les chercheurs se sont rendu compte que grâce à l’intelligence artificielle, il était possible de prédire et d’étudier la personnalité d’un participant simplement en analysant 10 mentions « J’aime » sur Facebook.

 L’intelligence artificielle jouit d’une médiatisation accrue depuis un an. Un programme informatique a réussi le Test de Turing, des start-up spécialisées en intelligence artificielle ont été rachetées par des géants du Web et de grosses productions hollywoodiennes (Chappie, Ex Machina, Her) ont surfé sur le thème de l’intelligence artificielle. Mais ce sont surtout les risques qui y sont liés qui ont fait les gros titres. Des personnalités publiques telles que Bill Gates et Stephen Hawking ont exprimé leurs inquiétudes quant à une évolution trop rapide de l’intelligence artificielle. J’estime pour ma part que si des garde-fous appropriés sont mis en place, nous n’avons pas à craindre de voir la Terre envahie par une armée de robots.

L’intelligence artificielle continuera d’impacter le monde du marketing tant dans la nature des tâches effectuées par les annonceurs que dans la façon de concevoir, d’exécuter et de mesurer les campagnes.

Commençons par examiner le premier point : les responsables de media planning et d’achats médias craignent de voir leur emploi menacé par les systèmes d’achat programmatique. La technologie et l’automatisation ont mis au chômage nombre d’ouvriers et de dactylos au cours des dernières décennies, mais ont aussi créé de nouveaux rôles et opportunités.

Dans l’univers du marketing, on constate que beaucoup d’emplois actuels n’existaient pas il y dix ou vingt ans, tels que web designers, consultants SEO, spécialistes des réseaux sociaux, ou encore développeurs d’application Web et mobile. L’éventail des opportunités et le volume de données offerts par ces nouvelles plateformes programmatiques modifient le rôle des annonceurs ainsi que les types de compétences requis au sein des départements marketing. De nouveaux métiers voient le jour avec l’avènement de l’analyse de données décisionnelle : l’ingénieur marketing, trait d’union entre les services marketing et IT, et le responsable de la stratégie digitale, qui orchestre l’exploitation des mégadonnées pour optimiser l’efficacité du marketing dans chaque canal et augmenter le chiffre d’affaires.

 Ces compétences seront de plus en plus recherchées à mesure qu’évolueront les technologies marketing et les capacités d’apprentissage automatique. Nul ne connaît exactement les perspectives d’emploi qu’offrira l’intelligence artificielle, mais je pense qu’on peut raisonnablement s’attendre à ce que chaque disparition d’emploi débouche sur la création d’un nouveau métier plus intéressant et efficace.

 L’intelligence artificielle a d’ores et déjà révolutionné le rôle du CMO : ses responsabilités se sont extrêmement élargies. Cependant, son principal objectif à long terme demeure identique : générer des revenus et accroître la notoriété de la marque. Jamais l’annonceur n’avait disposé d’autant de canaux pour toucher son public cible, jamais le CMO n’avait eu autant de données sur lesquelles s’appuyer pour prendre ses décisions et jamais l’attente n’avait été aussi élevée en termes de résultats des campagnes et de retour sur investissement. Or, l’usage de l’intelligence artificielle dans le domaine du marketing va permettre de solutionner des problématiques qui se situent au-delà de la compétence humaine et d’aider les CMO à atteindre leurs objectifs plus efficacement.

 Prenons un annonceur d’envergure tel que Tesco, une marque qui a la capacité d’interagir chaque jour avec des millions de clients existants et potentiels. Tesco possède une exposition extrêmement vaste et peut vendre ses produits à un très large spectre de la population. Il y a 60 millions d’habitants au Royaume-Uni et Tesco dispose de 20 possibilités d’interactions par semaine avec chaque individu, soit un total de 1,2 milliard d’interactions potentielles. Même une équipe complète de spécialistes du marketing n’aurait pas les capacités nécessaires pour calculer et placer des publicités susceptibles de correspondre aux attentes de ces individus en fonction de leurs achats précédents ou de leur historique de navigation.

 L’intelligence artificielle est en mesure de sélectionner les canaux les plus adaptés afin de toucher le consommateur, calculant ces décisions en temps réel en lieu et place du CMO et de son équipe, tout en leur permettant de se concentrer sur d’autres problématiques. Dans un avenir proche, je suis convaincu que les annonceurs consacreront une part croissante de leur temps à définir leurs objectifs précis et à mieux sélectionner leurs critères de mesure.

 Venons-en maintenant au deuxième point. À l’heure actuelle, les décisions relatives aux produits et services commercialisés par les entreprises demeurent principalement du ressort de l’homme. Mais à terme, je suis convaincu que dans tous types de secteurs, des systèmes seront en mesure d’identifier les besoins et les marchés potentiels sans nécessiter d’intervention humaine. Dans une compagnie aérienne, par exemple, l’intelligence artificielle serait à même d’identifier les itinéraires régulièrement sous-utilisés par les passagers, de lancer automatiquement une campagne ciblant les passagers susceptibles d’être intéressés par ce trajet et de proposer des offres incitatives via le canal approprié (en ligne ou hors ligne).

 Cette réactivité accrue ne serait pas l’unique avantage. Je pense que l’apprentissage automatique peut fondamentalement modifier notre façon de marketer les entreprises, les produits et les services. Actuellement, à l’exception éventuelle des réseaux sociaux, le marketing opère à sens unique. Les annonceurs conçoivent un message, le délivrent au consommateur et attendent une réaction ou un acte d’achat. À mesure que l’intelligence artificielle évoluera, je pense qu’elle sera non seulement capable de sélectionner le message et le design adaptés, de délivrer celui-ci au bon consommateur via le canal approprié au moment opportun, mais également d’entretenir un véritable échange en temps réel. Pour y parvenir, les machines devront être en mesure de prendre les bonnes décisions afin d’établir une conversation persuasive avec une large gamme d’audiences. Elles disposeront de l’intelligence suffisante pour délivrer en temps réel de nombreux messages, réponses et répliques crédibles. De leur côté, les annonceurs devront devenir experts dans l’art de gérer ces machines et apprendre à définir les paramètres permettant à celles-ci d’établir des échanges appropriés au nom de la marque. Car s’il est une chose que les robots peuvent envier aux humains, c’est le bon sens.

 Une chose est sûre : l’émergence de l’intelligence artificielle et son développement constant dans la sphère marketing sont en train de bouleverser l’ensemble du secteur, pour le meilleur selon moi. Grâce à l’intelligence artificielle, les annonceurs auront davantage de temps pour identifier leurs objectifs et pourront atteindre ceux-ci avec une précision accrue, qu’il s’agisse d’attirer de nouveaux clients ou d’identifier de nouveaux marchés. Mieux encore, l’intelligence artificielle va libérer le potentiel créatif des humains et créer de nouveaux métiers et opportunités que nous ne pouvons pas encore imaginer.

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