2024, l'année du renouveau du marketing ou de sa fin 

simeon

Des prévisions, est-ce vraiment raisonnable ?

La saison dessinant les tendances 2024 s’achève.  Comment faire des prévisions alors que nous sommes dans un monde de polycrises structurellement imprévisible ?! Nous sommes, comme disent nos ami.e.s américains, dans une période « Never Normal », condamnés à vivre dans l’incertitude. Plutôt que de prévoir les tendances moyen terme, la priorité est de surfer sur le court terme et, d’être agile en pratiquant le micro-pivoting, sport préféré des starts-up !!

2024, Rien de nouveau sous le soleil ?                                                                                                                

A première vue, les tendances 2024 sont dans la continuité celle de 2023. Il faut avouer que, tous les ans, les cahiers de tendance ou autres prophéties nous raconte souvent des choses que l’on sait déjà et c’est un peu normal car les tendances marketing sont des phénomènes de moyen terme. 2023 a été l’année de l’attention, 2024 sera celle de la mise en place de nouveaux indicateurs. Le digital est maintenant le premier media, les méthodes historiques de ciblage doivent être réinventées. La baisse des médias historiques (TV, Radio), a accéléré le développement de l’omnicanalité. La prise de conscience de l’importance des contenus et des contextes implique une transformation des stratégies média. Que des sujets dont on parle depuis plusieurs années.

Et puis, l’IA est arrivée.  Comme la covid, c’est un très puissant accélérateur. En période d’accélération nous sommes condamnés à donner une vraie direction à notre « modèle marketing ».

Deux scenarii s’imposent à nous. Soit, nous allons dans la direction d’un marketing transformé (reloaded!) centré sur la valeur, soit l’IA nous replonge dans la spirale de l’optimisation avec le risque que notre modèle se grippe. Nous rentrerons alors dans un scénario quasi-dystopique de « fin du marketing » à la manière d’une série Netflix (Black Mirror ?!) mais cette fin du marketing risque d’être bien réelle.

1er Scénario :  Marketing RELOADED. 2024, l’année de la responsabilité sociale et environnementale

Dans cette hypothèse, nous sommes dans une dynamique positive que dentsu qualifie dans son cahier de tendance 2024 de « pace of progress ».  Cette dynamique de responsabilité est portée par les consommateurs qui intègrent de plus en plus dans leurs décisions d'achat des considérations qui dépasse le simple prix comme la durabilité, la valeur de l’expérience, ... Comme le souligne Kantar, « À l'échelle mondiale, 80 % des consommateurs déclarent faire un effort pour acheter auprès d'entreprises qui soutiennent des causes qui leur tiennent à cœur »,

L’IA devient un accélérateur de la responsabilité

Responsabilité dans la diffusion des messages. L’IA va nous permettre d’optimiser grâce à un meilleur ciblage et, un travail sur la notion d’attention. Si l’on gagne 20 % d’efficacité, les marques vont ainsi réduire leur investissement. En parallèle, les stratégies d'efficacité carbone dans les choix médias va permettre de réduire l’impact des campagnes.

Responsabilité dans la construction des offres. Afin d’optimiser la satisfaction client l’IA va permettre aux marketeurs de personnaliser les offres afin de produire des « objets valeurs » et ralentir ainsi le rythme de la consommation des individus. La création de produits qui intègrent de plus en plus les effets collatéraux sociaux ou écologiques va permettre d’avoir un pilotage réel de l’activité humaine.

Ce mouvement de responsabilisation s’appuie sur un volontarisme des agences. Citons l'agence média Dentsu qui après avoir décidé d’être une entreprise à mission, partage l’impact de son activité. (dentsu TCFD Report 2023)

Dans cette hypothèse, la croissance responsable permet de construire une « économie de l’intégrité » : les marques apportant une contribution durable à la société. 

2ème Scénario : End of Marketing. 2024, l’année de l’autodestruction des marques

Le début de la crise entre les marques et les consommateurs ne date pas d’aujourd’hui. Les grandes marques automobiles, les enseignes de distribution, les banques sont perçues comme coupables de tous les maux de notre société. Les niveaux de confiance des marques sont passés en dessous de la barre des 30%. Les parts de marché des marques traditionnelles reculent sur de nombreux marchés. La sortie des nouvelles versions d’iPhone, symbole de la surconsommation, suscite des critiques, on commence à observer une certaine fatigue consommatoire.

Des marques qui vont être de plus en plus cancelled

Le brand bashing a commencé il y a plusieurs années avec la destruction des panneaux publicitaires. Les publicités ne sont plus des référents culturels, même les élèves d’écoles de marketing où j’enseigne ont des adblockers. Le marketing bashing est le sport préféré des politiques, les marques sont accusées de tous les maux. Alors que l’écart entre les catégories sociales augmente, le sentiment d’injustice est de plus en plus fort. Les marques concentrent l’agressivité sociale. La cancel culture apportant son lot d’intolérance on est au bord du brand cancelling (exemples).

Les agences vont de moins en moins pouvoir garantir la brand safety aux marques. La volonté des consommateurs de ne pas partager leurs données, les contenus produits de manière industrielle grâce à l’IA le paysage digital va devenir de plus en plus difficile à maîtriser.

Notre modèle de la consommation est au bord de l’implosion

Il repose sur le désir et la satisfaction de l’achat. La multiplication des offres et des contraintes liées à l’achat rend le choix pour le consommateur de plus en plus difficile. Bruno Patino, pdg d’Arte, décrit en s’appuyant sur de nombreuses études, le phénomène de submersion que vivent les consommateurs dans son nouveau livre. Le trop plein d’offre entraine des niveaux de satisfaction en baisse et une anhédonie consommatoire (perte du plaisir).  Seule solution pour le consommateur déléguer son choix à une IA. Un choix qui ne sera jamais parfait car les paramètres émotionnels ne seront jamais complètements intégrés. L’IA va nous priver du plaisir de choisir, de la satisfaction d’avoir fait le meilleur choix. Dans ces conditions, sans désir, pourquoi consommer. Une fatigue que l’on a observé dans la consommation des médias en 2023 avec l’étude de la fondation Jean-Jaures (syndrome-de-fatigue-informationnelle). L’IA va accélérer ces deux phénomènes déjà présents. Accélération de la radicalité et de l’insatisfaction avec un modèle marketing personnalisé automatisé qui laissera peu de place à l’humain.

De quel côté va pencher la balance : plus de responsabilité ou plus de déconnection ? Arriverons-nous collectivement à nous réinventer ?

Comme le rappelait Hubert Reeves, Personne ne peut le dire car on ne peut prévoir le PFH.

Le PFH, « c’est le putain de facteur humain* » c’est-à-dire VOUS.

*Expression canadienne à prononcer avec l’accent.

(Les tribunes publiées sont sous la responsabilité de leurs auteurs et n'engagent pas CB News).

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