Les annonceurs relèveront-ils le défi de la responsabilité ?

Levenement

Il y a des moments où les planètes s’alignent.

Osons l’utopie : 2021 pourrait être l’année de l’alignement pour créer enfin un modèle de collaboration pérenne et responsable entre agences et annonceurs.

D’un côté, des annonceurs, qui affirment de plus en plus l’importance des enjeux RSE, et qui demandent aux agences de renforcer leur engagement sociétal et de déployer une stratégie RSE, en particulier à travers la réalisation d’événements éco-responsables. Qu’il s’agisse des procédures de référencements ou des appels d’offre, cette dimension RSE est de plus en plus présente, et on ne peut que s’en réjouir.

De l’autre, des agences qui, depuis des années, en appellent à davantage de responsabilité de la part des annonceurs vis-à-vis des référencements, des contrats cadres, de la toujours sensible question de la RFA, des appels d’offre ou encore de la décence des prix de journées.

Ces sujets ne sont pas nouveaux.

Ce qui est nouveau, c’est qu’en 2020 la donne a changé.

La crise sanitaire a soudain fragilisé l’ensemble des acteurs événementiels, avec les conséquences que l’on connaît : développement de l’activité partielle, réduction des effectifs, plans de sauvegarde de l’emploi, et probables défaillances d’entreprises en 2021.

Ce contexte rend encore plus insupportables certains modèles de collaboration agences/annonceurs, maintes fois dénoncés par le passé, mais qui aujourd’hui peuvent se traduire par des conséquences économiques et sociales tragiques.

Puisque les annonceurs affirment de plus en plus leur engagement RSE, puisqu’ils considèrent, à juste titre, avoir une responsabilité vis-à-vis de leurs parties-prenantes, puisque la solidarité des donneurs d’ordre avec leur écosystème est un enjeu majeur de sauvegarde de l’économie, ils ont aujourd’hui une formidable opportunité de mettre leurs intentions en pratique.

Nous observons aujourd’hui une situation très inégale sur la prise en compte de cette responsabilité par les entreprises vis-à-vis de leurs partenaires.

D’un côté, celles qui ont tout à fait appréhendé l’urgence du moment et ont su adapter leurs modèles de collaboration et d’achat. C’est en particulier le cas des ETI familiales, dont la bienveillance et la qualité des relations avec leur écosystème sont ancrées dans leurs principes et leurs valeurs.

De l’autre, celles pour lesquelles la crise sanitaire est un non-sujet et qui se réfugient derrière des process et des règles existantes pour justifier de ne rien changer. Nous pouvons en particulier le déplorer de la part de certains grands groupes publics ou parapublics, voire de certains groupes du CAC40, qui en viennent finalement à reprendre d’une main, les aides et subventions données par l’État de l’autre main ! 

Alors, concrètement, ça veut dire quoi être plus responsable ?

Être plus responsable, c’est savoir différer un renouvellement de contrat cadre, mobilisant des dizaines d’agences, sur des procédures longues et onéreuses, et souvent fastidieuses en termes de livrables.

Être plus responsable, c’est savoir reconsidérer l’existence de la RFA (Remise de Fin d’Année) en se posant la question du sens même de l’acronyme : n’y-a-t-il pas une Responsabilité Financière de l’Annonceur vis-à-vis de ses partenaires à qui il demande une remise sur Chiffre d’Affaire en même temps que la transparence des achats à l’euro/l’euro … l’incitation (illégale) de la vente à perte n’est pas très loin.

Être responsable, c’est limiter au maximum le recours aux appels d’offre, et quand ils sont considérés indispensables, limiter le nombre d’agences en compétition, tout en veillant à la réduction des livrables exigés. C’est aussi éviter la tentation qui consiste aujourd’hui, à demander en 15 jours l’étude de 3 formats (présentiel, distanciel, hybride) à 10 agences. 30 projets sont ainsi conçus par des entreprises fragilisées, ayant des ressources limitées, avec des collaborateurs en quête de sens. Un seul de ces projets sera (éventuellement) retenu et 29 partiront en fumée : une masse colossale de travail non rémunéré, véritable "pollution économique" qui asphyxie les entreprises. En termes de responsabilité, il est assez aisé de faire beaucoup mieux !

Être responsable, c’est ne pas tirer parti de la situation et du besoin d’activité des agences, en négociant à la baisse les prix de journée des collaborateurs, contribuant ainsi à fragiliser davantage des emplois déjà fortement menacés.

On le voit, les champs d’expression de la responsabilité sont nombreux.

Mais y a-t-il une vraie volonté d’être responsable ?

Les enjeux affirmés d’engagement RSE des entreprises sont probablement sincères. Mais cette sincérité, pour être crédible, doit aujourd’hui se traduire dans les faits. Il y a de toute évidence un travail de pédagogie et d’éveil des consciences à réaliser chez de nombreux annonceurs, qui plus est dans les entreprises du secteur public et parapublic, en partie financées par les acteurs économiques qu’elles sont aujourd’hui en train de condamner.

Décidée à ne pas vivre éternellement des aides de l’état, la filière événementielle est en train de se réinventer, permettant ainsi de préserver l’emploi au mieux qu’elle le puisse et imaginant à moyen terme de nouvelles stratégies de croissance durable.

Cette transformation responsable ne doit, en aucun cas, être condamnée par ceux qui ont le pouvoir et la responsabilité de la faciliter.

(Les tribunes publiées sont sous la responsabilité de leurs auteurs et n'engagent pas CB News).

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