Avec la protection accrue des données, la publicité digitale va-t-elle revenir à l’âge de pierre ?

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Les recommandations de la CNIL entreront en vigueur le 1 er avril 2021, mettant de nouvelles barrières à la collecte de données personnelles des internautes. Pour leur proposer malgré tout des messages publicitaires pertinents, le ciblage contextuel s’affirme comme une solution innovante. Notamment, parce qu’il utilise des outils de « deep learning » lui permettant d’optimiser en permanence ses performances.

La deadline se rapproche : dès le 1er avril prochain, on ne verra plus apparaître le célèbre « en continuant à naviguer sur ce site, j’accepte l’utilisation de mes données ». Le consentement de l’internaute devra être recueilli à part, et sera décorrélé de sa navigation sur un site. En outre, il pourra à tout moment revenir sur son consentement.

Cette nouvelle réglementation de la CNIL s’inscrit dans une logique de long terme, mondiale et probablement irrémédiable : les données personnelles des internautes deviendront de plus en plus protégées, et leur adresser des messages publicitaires ciblés s’avérera toujours plus difficile. Pour contrer cette évolution, les géants du web développent, chacun de leur côté, leurs solutions propriétaires -et concurrentes- pour continuer, malgré tout, à proposer aux annonceurs des solutions de ciblage de substitution. Mais pour les sites médias, l’équation s’annonce plus compliquée : ils ne peuvent vivre sans publicité, et ne disposent pas tous des moyens suffisants (ni ne possèdent assez de données « en propre ») pour développer leurs propres solutions publicitaires.

Dans ce contexte, le ciblage contextuel, c’est-à-dire lié au contenu consulté par l’utilisateur, et non à ses données personnelles, suscite un intérêt croissant. A première vue, le principe peut sembler relativement basique : afficher, par exemple, une campagne pour un mascara sur un site consacré au maquillage semble assez intuitif, et c’est le principe que les médias traditionnels mettent en œuvre depuis le XIX ème siècle. 

Comment l’IA révolutionne la notion même de contenu

Mais, transposé à l’univers digital et à ses possibilités technologiques, le ciblage contextuel s’avère nettement plus sophistiqué qu’une page de publicité dans un magazine. Notamment, parce que le ciblage contextuel digital utilise des outils bâtis sur l’intelligence artificielle. C’est ce qui lui permet de notablement raffiner son approche, et la notion même de contexte. Les outils les plus récents de « deep learning » permettent, à partir de l’analyse de mots clés présents sur une page web, de comprendre dans quel contexte ces mots sont utilisés, ce qui les lie entre eux, et finalement quel message global est délivré par la page : un sentiment positif ou négatif,  une analyse plus ou moins poussée d’un sujet… en liant ces mots-clés à d’autres données (est-ce un mot clé faisant l’objet de requêtes fréquentes, quelles images l’illustrent, qui est l’auteur du texte…) on arrive à bâtir, non seulement une vision très précise du contexte, mais également un système de vecteurs : ce dernier, qui ressemble à un réseau neuronal, permet d’enrichir en permanence la base de mots-clés analysés. Finalement, l’outil va comprendre, au-delà des mots, quels concepts, quelles notions, sont présents dans le contenu. Cela va lui permettre d’en déduire deux éléments importants : d’abord, de définir à quelles catégories publicitaires, (famille, santé, divertissement…) le contenu peut être lié. Ensuite, l’outil va pouvoir déterminer à quel segment d’audience appartient l’individu qui consulte ce contenu : sans utiliser ni donnée personnelle, ni cookies, il pourra déterminer la tranche d’âge, le sexe et les centres d’intérêt de l’utilisateur. Ce qui évitera, par exemple, de proposer une publicité pour une pizza industrielle à un fan d’alimentation bio.

Une publicité plus performante et mieux acceptée

Raffiner ainsi l’analyse permet de proposer à chaque utilisateur des contenus publicitaires plus pertinents, et donc mieux acceptés : l’intelligence artificielle choisit un message publicitaire qui complète utilement le contenu consulté, sans redondance, ni intrusion…  et sans « suivre » l’utilisateur dans sa navigation future. Il se concentre sur le moment auquel le message lui sera utile. Résultat : les campagnes proposées dans ce cadre réalisent des performances supérieures d’environ 30% aux publicités digitales classiques. Demain, ces outils d’analyse sémantique seront capables de « comprendre », outre les mots, les concepts développés dans un format vidéo ou audio, et d’offrir une compréhension toujours plus fine du sens de chaque contenu.

Bien loin d’un retour en arrière, le ciblage contextuel allié à l’IA représente un progrès décisif. A la fois pour l’utilisateur, pour les marques, et pour les sites média qui monétisent ainsi leur audience sans lasser leur audience à coup de messages intrusifs et/ou mal ciblés. Aujourd’hui, cette technologie innovante joue un rôle majeur dans le développement des sites médias : c’est grâce aux revenus publicitaires qu’ils peuvent se financer, et améliorer en permanence la qualité de leur contenu.

(Les tribunes publiées sont sous la responsabilité de leurs auteurs et n'engagent pas CB News).

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