Comment les marques milieu de gamme peuvent-elles survivre au hard discount et au low cost ?

charpin

On le voit de manière tragique dans l’habillement depuis plusieurs mois. Les marques et distributeurs milieu de gamme souffrent ou meurent, concurrencés de manière fulgurante par les marques et distributeurs low cost comme Shein, Primark ou encore les sites de seconde main comme Vinted.

R.I.P. : Camaïeu, San Marina, Cop.copine… Ces marques sont mortes de n’avoir malheureusement pas su évoluer rapidement ni en termes de positionnement ou d’offres, ni en termes de prix, et de n’avoir pas su fidéliser sa clientèle finalement séduite par la fast fashion low cost.

Dans la distribution alimentaire, le phénomène ne risque-t-il pas d’être aussi dramatique ? L’inflation, que nous connaissons depuis plus d’un an, est appelée à se poursuivre. Début mars, dans une interview, Dominique Schelcher (PDG de Système U) expliquait que “l'inflation sera de 10 % tout au long du premier semestre, sachant que cela va s’ajouter aux 14 à 15 % actuels. On peut estimer qu’entre le début de la guerre en Ukraine, fin février 2022, et juin 2023, les prix auront bondi de 25%."

Or, cette inflation provoque deux mouvements qui risquent de déstabiliser tout le secteur de la distribution alimentaire.

D’une part, les Français comprennent très certainement que la hausse des coûts des matières premières provoque une hausse des prix, mais ils sont soumis à de nombreux messages contradictoires qui font germer l’idée que les distributeurs et les marques profitent de la situation actuelle pour développer leurs marges sur leur dos. Ce sentiment est d’ailleurs renforcé par le gouvernement qui appelle régulièrement les distributeurs à "faire un effort sur leurs marges" pour limiter l'inflation alors que ces derniers annoncent des bénéfices records.

D’autre part, l’inflation des prix de l'alimentaire poussent les Français vers le hard discount. Selon une étude becoming réalisée en février dernier, les 3 enseignes discount les plus fréquentées sont Lidl à 74%, Action à 61% et Aldi à 40%. Lidl est également la marque numéro 1 sur le rapport qualité/prix. Toujours selon cette même étude, le discount ne vise donc plus seulement les classes sociales à faible revenu, puisque les Français gagnant plus de 60 000 € par an sont 81 % à acheter dans ces enseignes. Ils se rendent 2,5 fois par mois chez Lidl (dont 1/3 toutes les semaines), 2 fois par mois chez Aldi et 1,6 fois chez Action.

Ainsi donc, les consommateurs ont déjà commencé à modifier leurs habitudes de consommation, et cela va s’amplifier avec un renoncement du consommateur à ses marques et à ses enseignes préférées pour obtenir un prix plus compétitif lors de ses achats. En 2022, 62 % de la baisse des volumes s'est faite au profit des marques de distributeurs, selon une étude de NielsenIQ, qui précise que ces changements de comportements sont le fait des classes moyennes mais que, plus significatif, les foyers aisés s'y mettent aussi.

Alors dans ce contexte, que doivent faire les enseignes de la distribution, comme les marques de produits alimentaires ou de grande consommation pour retenir et fidéliser leurs clients, pour éviter de les voir rejoindre le flot des adeptes du discount et du low cost ?

Elles doivent plus que jamais activer les 2 leviers complémentaires de la préférence de marque et de la promotion marketing. La particularité de la période est qu'elles n’ont pas le temps long habituellement nécessaire pour travailler le “top of mind” et qu’elles doivent donc mettre en place des campagnes qui mixent les deux objectifs en parlant d’abord au portefeuille du consommateur avant de parler à son cœur.

La logique promotionnelle doit être envisagée avec générosité comme s’il s’agissait de recruter un nouveau client. Depuis longtemps, le client de la grande distribution est habitué au cagnottage ou au cash back, donc il faudra frapper encore plus fort pour le surprendre et qu’il perçoive l’intérêt de rester fidèle à son distributeur ou à ses marques favorites. C’est seulement à ce prix – fortement remisé – que le consommateur percevra qu’il n’est pas le dindon de la farce de la hausse des prix. Les marques qui ne le feront pas, perdront leurs clients qui iront voir le mieux disant à qualité comparable voire inférieure. Et il n’y aura probablement pas de retour en arrière. Donc il vaut mieux se disrupter soi-même plutôt que de laisser les concurrents le faire. 

Simultanément, les marques se doivent de développer urbi et orbi, sur tous les canaux possibles, un discours qui va travailler la désirabilité de l’enseigne ou des produits. Mais attention au blabla, le consommateur n’est plus dupe, il lui faut du solide et du crédible sur la durée. Il a été trop abusé par le faux bio et le bullshit marketing pour se laisser à nouveau abuser. Il faut donc revenir aux fondamentaux : parler vrai et juste par rapport à l’air du temps en écoutant les consommateurs et en analysant leurs comportements, revoir, quitte à surprendre, son discours de marque, son positionnement, son offre, ses produits, en incluant une logique promotionnelle agressive et une promesse expérientielle renouvelée pour faire (re)venir en magasin et faire (re)découvrir les produits.

Si la hausse des prix n’est pas enrayable à court terme, les marques doivent absolument repenser simultanément leur logique de communication et de promotion pour enrayer la fuite des consommateurs vers le hard discount et le low cost.

(Les tribunes publiées sont sous la responsabilité de leurs auteurs et n'engagent pas CB News).

À lire aussi

Filtrer par