Le Retail Media va-t-il permettre de casser le modèle des Walled-Garden ?

coccia

Avec près de 900 millions d’Euros d’investissements en France en 2022, le Retail Media poursuit sa montée en puissance dans le paysage publicitaire. Si nous n’en sommes encore qu’aux prémices du secteur, les régies de Retail Media (RMN) continuent de se développer et d’affiner leur modèle économique, laissant entrevoir une transformation quant à leur manière d'opérer en dehors de leur écosystème.

La croissance des régies Retail Media va permettre une accélération de l'extension d'audience

Dans les années à venir, le Retail Media va s'accélérer autour de l'extension d'audience, concept axé sur l’usage de la data des retailers à des fins de ciblage, permettant de toucher leurs clients sur d'autres environnements digitaux, c'est à dire en dehors des sites des retailers. Une technique déjà utilisée par les éditeurs depuis quelques années mais c'est l'émergence du Retail Media qui va permettre l'explosion de l'extension d'audience à une plus grande échelle.

Comment expliquer un tel engouement ?

1.  La qualité des données : les données first-party des retailers sont précieuses et très recherchées par les acheteurs. Elles permettent à la fois de répondre à des problématiques de fiabilité et de scale. C'est pour cela qu'elles sont si convoitées et les retailers le savent bien.

2.  Des inventaires publicitaires limités : au-delà du search sponsorisé, la plupart des régies Retail Media ont un inventaire limité. Il y a donc une nécessité d'aller toucher cette audience en dehors des sites des retailers pour permettre aux marques de maximiser leurs ventes.

3.  Le “Flywheel effect” : un modèle de rétroaction qui place le consommateur au centre de la stratégie d'achat. Toucher des consommateurs en dehors du site des retailers créera non seulement des opportunités de revenus immédiates, mais ce qui est peut-être plus important encore, c'est que cela incitera les consommateurs à revenir sur le site du retailer pour effectuer des achats, favorisant ainsi une réelle opportunité d'acquisition clients.

4.  Modèles financiers complémentaires : alors que les éditeurs necessitent une extension de l’audience, ils sont forcés à acheter du stock sur des sites tiers, mais c’est un modèle auquel ils ne sont pas habitués en termes d’expertise d’achat et de coût, au contraire des buyers, qui sont bien adaptés à l’approvisionnement en stocks et aux relations requises. 

La nature même des réseaux Retail Media permet donc aux annonceurs d'atteindre une audience plus large et de créer de nouvelles opportunités de monétisation. Cependant, cette pratique commence également à avoir un impact sur la façon dont ces acteurs conçoivent leur écosystème, notamment en ce qui concerne les "murs" qu'elles érigent pour protéger leur audience et leurs données.

La multiplication des réseaux de Retail Media impose de trouver de nouveaux modèles

Considérer le nombre de réseaux de Retail Media est crucial pour envisager l’avenir de la pratique. Le nombre d’acteurs qui se lancent croît de manière exponentielle, il faut donc dès à présent anticiper les dérives. Le succès rencontré par la plupart a souvent incité à développer des modèles cloisonnés (walled-garden), permettant certes de garder le contrôle sur les données, mais dont nous connaissons si bien les limites.

Multiplier les modèles walled garden implique que les acheteurs médias devront faire face à un nombre croissant d'acteurs individuels, alors que le secteur a besoin de transparence et d’optimisation de sa chaîne de valeur.

•    Comment rester efficace face à de multiples interlocuteurs ?

•    Comment les problématiques de reach et de pression publicitaire vont-ils être gérés à travers tous ces réseaux ?

•    Y’a-t-il une limite dans le nombre de réseaux avec lesquels pourra s’engager ? 

•    Qu'adviendra-t-il des réseaux qui ne seront pas retenus dans les plans média des acheteurs ?

Ces questions mettent en évidence la nécessité pour notre secteur d'évoluer afin de s'adapter à l'afflux des régies Retail Media qui apportent tous des données précieuses, bien que de tailles différentes mais qui complexifient aussi le déploiement de plans media à grande échelle, la mesure de la performance et la compréhension des offres de chaque retailer.

Avec de nouvelles données first-party sur la table et un besoin de limiter le nombre d’interlocuteurs dans la supply chain, les acteurs du Retail Media vont très sûrement tendre vers une consolidation des réseaux, qui s’accompagnera vraisemblablement d’une évolution technologique, notamment si ces acteurs décident de lancer des enchères parallèles ou d'utiliser des fonctionnalités de type "header-bidding" pour gérer l'accès à l'inventaire. Encore une fois, la publicité numérique doit évoluer, pour aider l’ensemble de l’écosystème à trouver une nouvelle façon de fonctionner de manière plus responsable.

(Les tribunes publiées sont sous la responsabilité de leurs auteurs et n'engagent pas CB News).

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