Influenceur : Bruno Le Maire met fin aux « règles inexistantes ou trop floues »

Bruno Le Maire
(© Sebastiaan ter Burg )

Le ministre de l’Économie Bruno Le Maire a présenté vendredi une batterie de mesures pour encadrer l'activité des influenceurs sur les réseaux sociaux.

Alors "qu'il est un formidable vecteur de créativité et de richesse économique, ancré dans le quotidien de millions de nos compatriotes, ce secteur souffre de règles inexistantes ou trop floues", a-t-il déclaré, à l'issue de trois mois de concertation ouverte aux parties prenantes comme aux simples citoyens. L'objectif est clair et affiché : "clarifier" les obligations des 150.000 influenceurs que compte le pays.

Alors ? Parmi les mesures adoptées, cette volonté que les règles qui s’appliquent sur le net doivent être les mêmes que dans les médias traditionnels, en particulier sur certains biens et services, tels que la chirurgie esthétique, les actes de santé, les boissons alcoolisées, les produits financiers, les paris sportifs. De même, seront désormais inscrits dans la loi la définition de l’influence commerciale et du mandat d’agence d’influence. Qui induit, notamment, l’obligation de rédiger un contrat écrit dès lors qu’il y a une prestation économique d’influence commerciale. Egalement mise en avant, la création "immédiate" d’une "police des réseaux sociaux". À ce titre, une équipe dédiée, au sein de la DGCCRF, est chargée de répondre, avec d’autres autorités, aux signalements des internautes, de faire appliquer les règles grâce à de nouveaux pouvoirs de sanction. Des signalements, au passage, simplifiés. En effet, l'actuel espace web Signal Conso va être adapté à ce type d'interpellation. Il sera même décliné sous forme d’application mobile. Parallèlement, les associations de consommateurs et de victimes de l’influence vont recevoir un statut spécial, celui de "Signaleur de confiance", pour que leurs signalements soient traités par les plateformes et les autorités de manière accélérée. Du côté des plateformes, justement, le ministre de l’Économie souligne qu’elles devront coopérer avec les autorités via "un protocole d’engagements réciproques".

Quant au fait de ne pas signaler le caractère publicitaire d’une vidéo ou d’une photo postée par un influenceur, cela est désormais considéré comme une pratique commerciale trompeuse. Elle sera donc punie des mêmes peines, à savoir jusqu’à 2 ans de prison et 300.000 euros d’amende. Le juge pourra de plus prononcer une peine complémentaire d'interdiction, définitive ou provisoire, d'exercer son activité. Elle pourra même devenir obligatoire pour certains délits particulièrement graves. Enfin, un nouveau pouvoir d’injonction sous astreinte par les autorités permettra d’obliger l’influenceur à retirer son contenu illicite ou aux plateformes de suspendre son compte dans les meilleurs délais.

Eviter les effet psychologiques destructeurs

Les Gouvernement entend également appuyer la diffusion d’un « guide de bonne conduite » aux influenceurs et créateurs de contenu. D’une quinzaine de pages, il traitera des droits des influenceurs et de leurs obligations fiscales, sociales et règlementaires. En outre, les influenceurs auront pour obligation d’afficher l’utilisation d’un filtre ou d’une retouche sur les contenus, « afin d’éviter des effets psychologiques destructeurs des contenus retouchés », assène le ministère. Enfin, parce que "de plus en plus de mineurs" sont mis en scène par des influenceurs, ils bénéficient, lorsqu’ils ont moins de 16 ans, des dispositions protectrices du droit du travail régissant le travail des mineurs (comme par exemple les enfants mannequins).

La plupart de ces mesures seront traduites dans une proposition de loi transpartisane déposée par les députés Stéphane Vojetta (apparenté Renaissance) et Arthur Delaporte (PS), examinée en séance publique à l'Assemblée nationale la semaine prochaine. "Ce sera la première fois en Europe qu'un cadre complet de régulation des influenceurs sera mis en place", s'est félicité Bruno Le Maire. Il s'est également déclaré "favorable" à l'interdiction "sur tous les canaux" de la promotion de la chirurgie esthétique, en renvoyant ce sujet au Parlement. La réglementation sur la promotion des actes médicaux avait été assouplie par décret fin 2020.

Un marché mondial de 12 milliards d'euros

En janvier, la répression des fraudes (DGCCRF) a publié une enquête accablante sur les pratiques du secteur, avec tromperie sur les produits vendus, promotion de paris sportifs risqués, voire d'injections "par des esthéticiens et des non professionnels de santé". Malgré ces dérives, le "marketing d'influence" explose, il représentait en 2021 un marché mondial estimé à quelque 12 milliards d'euros. La toute nouvelle Union des métiers de l'influence et des créateurs de contenus (Umicc), qui représentent les agences du secteur, a salué "des propositions louables et indispensables" mais "appelle les députés à ne pas discriminer ou sur-réguler" certains acteurs. L'Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) a pour sa part rappelé qu'elle a décerné plus de 600 "certificats de l'influence responsable". Enfin, le Syndicat du Conseil en Relations Publiques, qui représente 55 agences, lancera en avril un "e-label" certifié de "l'influence responsable".

150 influenceurs réagissent

Dans une tribune au Journal du Dimanche, 150 influenceurs, dont des stars comme Cyprien ou Seb la Frite, ont appelé dans une tribune les députés à ne pas casser "notre modèle" à cause des "dérives d'une minorité". "Nous entendons parler des influvoleurs, du combat à mener contre nous. Nous pensons que c'est une erreur. Qu'une minorité est devenue une généralité", plaident-ils. "Votre seule boussole doit être la protection des consommateurs des dérives d'une minorité qui se croit tout permis et la préservation de nos activités et des emplois que nous créons. Ne cassez pas le modèle vertueux que nous construisons aux quatre coins de la France avec et pour les Français. Comprenez-le, protégez-le, faites-le grandir", demandent les influenceurs. "Arnaques, contrefaçons, pratiques commerciales douteuses, certains ont fait croire ces derniers mois qu'ils étaient représentatifs de notre secteur alors qu'ils ne représentent qu'une minorité. Ce sont leurs dérives que nous souhaitons d'abord dénoncer", insistent-ils. "Nous ne sommes certainement pas parfaits. Nous avons fait des erreurs. Mais notre priorité est et sera toujours la protection des consommateurs, de nos communautés. Nous sommes favorables à un encadrement du secteur", assurent les signataires, en s'écriant : "Nous ne sommes pas des panneaux publicitaires ambulants". Ils demandent aux députés de ne pas les "considérer comme une menace" ni "mettre à mal une économie florissante" qui représente "des milliers d'emplois" en aidant à promouvoir les entreprises. "Le débat n'est pas d'être pour ou contre l'influence", concluent-ils.

Squeezie, plus gros Youtubeur français avec près de 18 millions d'abonnés, s'est quant à lui désolidarisé dimanche de cette tribune dont il était signataire.   "J'ai toujours été irréprochable et transparent dans mon travail avec les marques. Je ne suis pas impacté par ces lois, je n'ai rien à perdre avec cette réforme qui est destinée à réglementer des placements de produits immoraux, principalement faits par des influenceurs mal-intentionnés. Je me réjouis que ces arnaqueurs soient enfin sanctionnés", conclut-il.

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