Influenceur : le Sénat adopte une proposition de loi, la profession s'inquiète

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Après l'Assemblée nationale, le Sénat a adopté à l'unanimité en première lecture une proposition de loi visant à mieux encadrer l'activité des influenceurs et lutter contre les dérives sur les réseaux sociaux.

Députés et sénateurs vont maintenant tenter de s'accorder en commission mixte sanitaire sur une version commune de ce texte transpartisan, soutenu par Bercy, qui donne une définition légale aux influenceurs et interdit certaines pratiques. Avec un nombre estimé de 150.000 influenceurs en France, dont 15% seulement exerceraient cette activité à temps plein, ce secteur en plein développement est dans le viseur des associations, mais aussi du gouvernement. Pour la ministre des PME Olivia Grégoire, la proposition de loi "vient combler un vide juridique" et répond à "une demande populaire pour une meilleure régulation". "Ce n'est pas une loi pour ou contre la publicité, pour ou contre les jeunes (...) c'est une loi de régulation économique au service d'un métier naissant", a-t-elle souligné.

Les sénateurs ont renforcé les sanctions si les interdictions publicitaires ne sont pas respectées ou si un influenceur dissimule la véritable intention commerciale de sa publication : jusqu'à deux ans d'emprisonnement (au lieu de 6 mois dans le texte voté par les députés) et 300.000 euros d'amende.  Ils ont prévu que les influenceurs aient l'obligation d'afficher la mention unique "Publicité" sur leurs publications commerciales. Aux interdictions prévues par les députés, comme la promotion de la chirurgie esthétique, ils ont ajouté à l'initiative de la rapporteure l'interdiction de la promotion de l'abstention thérapeutique, des sachets de nicotine dont la vente sur Internet se développe auprès des adolescents, ou encore des abonnements à des pronostics de paris sportifs. Ils veulent aussi obliger les influenceurs faisant la promotion de jeux d'argent et de hasard à afficher une mention : "Interdit aux moins de dix-huit ans".

Contre l'avis du gouvernement, a en outre été voté un amendement de Jacqueline Eustache-Brinio (LR) pour interdire toute promotion sur les réseaux sociaux "portant atteinte à la protection de la santé publique". Et un autre d'Arnaud Bazin (LR) pour interdire aux influenceurs de se mettre en scène avec des animaux dont la détention comme animal de compagnie est interdite en France. Mais comme à l'Assemblée, les amendements de la gauche pour interdire la promotion des jeux d'argent et de hasard, des boissons alcoolisées ou encore des produits alimentaires trop gras, salés ou sucrés ont été retoqués. "Attention à ne pas stigmatiser les influenceurs", a mis en garde la rapporteure. Les sénateurs ont en outre supprimé avec l'assentiment de la ministre l'interdiction, arrachée de haute lutte à l'Assemblée, pour les moins de seize ans de promouvoir ce type d'alimentation.

Le SCRP réagit

Dans un communiqué, le Syndicat du Conseil en Relations Publics (SCRP) est vent debout contre les Parlementaires, parlant d’un texte « inapplicable et liberticide », qui serait une « entrave à la liberté d’expression contraire à l’esprit initial de la loi qui frappera non seulement les influenceurs, mais également les journalistes, les élus et tous les citoyens utilisateurs des réseaux sociaux ». Ainsi, pour justifier sa prise de position, le SCRP prend-il quelques exemples de « Non visés mais non exclus par le texte », entrant ainsi dans le champ d’application de la proposition de loi adopté par le Sénat : un journaliste qui teste une voiture qu’une marque lui aurait mis à disposition pour un essai ; un critique convié à un spectacle de théâtre ou à la projection d’un film ; un élu politique qui inaugure ou visite le salon du livre sans payer sa place ; un consommateur qui reçoit un échantillon ; un citoyen qui reçoit de la part d’une ONG des préservatifs en vue d’une campagne de prévention… Pour Sandrine Cormary, présidente du SCRP, « A la lecture du texte adopté (…) au Sénat, nous sommes très inquiets tant il dessert les intentions initiales et nuira aux créateurs de contenu, à l’économie des médias, et plus largement, au tissu économique national et local ».

Le Syndicat du Conseil en Relations Publics, afin de « limiter ces effets de bords potentiellement dramatiques », appelle les Parlementaires qui composeront la Commission Mixte Paritaire à « renforcer la définition juridique d’influence commerciale », en exigeant l’existence « d’engagements réciproques ». Pour lui, cette disposition « permettrait de limiter l’application de la loi aux contenus produits dans le cadre d’une véritable collaboration commerciale et non les contenus qui relèvent de la seule liberté d’expression et qui sont la grande majorité des milliers de contenus produits quotidiennement sur les réseaux sociaux ».

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