Pascale Azria (SCRP) : "la charte influenceurs va clarifier l'éthique et la déontologie dans les pratiques "

Pascale A

51 agences membres du Syndicat du Conseil en Relations Publics et les professionnels membres du SYNAP viennent de signer une charte de la relation influenceurs. Un document et outil de travail soutenu par l’ARPP et ouvert à tous les acteurs de la communication, ayant pour objectif de mieux encadrer les pratiques, dont nous parle aujourd'hui Pascale Azria, la présidente du SCRP et directrice générale de l'agence Kingcom.

De quel constat est né ce projet de charte ? 

Pascale Azria : Il s'agit à la fois d'une demande des clients des différentes agences, et d'une volonté des membres du Syndicat à pouvoir la mettre en place. Car il y a un marché de l'influence qui se développe énormément, que ce soit dans les pratiques ou les formats, et avec de nombreuses disparités. La charte est donc née des échanges entre les marques et les clients à propos de ces différentes pratiques. Nous nous sommes dits que si ce marché était encore en développement, il fallait éclairer à ce sujet, rassurer et rendre les pratiques de l'influence plus transparentes. En matière de marketing rémunéré et d'influence non rémunérée, par exemple. Un travail a également été fait en ce sens, dans le cadre du référentiel de la mesure et des méthodes de calcul des KPI, suivi d'une réflexion sur les relations influenceurs, avec une mise à jour du code de déontologie en début d'année. La charte, en quelque sorte, que nous avons finalisée avant l'été 2020, traduit la poursuite de cette réflexion. Et puis, il nous fallait le temps nécessaire pour pouvoir embarquer les agences membres du Syndicat et partager les idées avec des acteurs tels que l'ARPP ou des associations de marques, qui se font aujourd'hui le relais de cette charte via leurs propres réseaux.

En quoi cette charte vient-elle en aide aux professionnels des relations publiques ? 

Pascale Azria : Le document a plusieurs vocations. Eclairer les marques et les annonceurs, mais aussi encadrer les pratiques des professionnels via les engagements de Conseil. Ce qui prend en compte les enjeux de réputation et de crise. Quand on ne fait que de l'activation par exemple, il y a un risque pour les marques. On n'active pas pour activer, on travaille avant tout sur la relation. Et il faut la remettre au coeur des discours. Le deuxième enjeu, c'est la neutralité. On ne peut pas avoir des intérêts divergents. Ce n’est pas compatible. En tant qu'agence, il faut rester neutre dans l’apport à la marque. Enfin, il y a la notion de transparence quant aux rémunérations. À travers la charte, nous réaffirmons le fait que la marque doit pouvoir connaître le coût des influenceurs à l'avance et pouvoir détailler les honoraires d'une campagne. L'enjeu c'est aussi de pouvoir distinguer les types de collaborations. Est-ce qu'il y a une réciprocité ou est-ce que c'est du cadeau ? En fonction des cas, la législation n’est pas la même. Tout dépend aussi des secteurs : le vin avec la loi Evin, les enfants, le financier, la santé. Tout cela ne s'appréhendent pas de la même manière. Evidemment, s'il y a un enjeu commercial réciproque, il faut se tenir à des règles précises. En dernier point, l'enjeu de la mesure. Toutes les agences faisant de l’influence, doivent être équipées d'outils, de data pour pouvoir apporter des infos sourcées et mesurer de façon objective ces campagnes d'influence (quantitativement et qualitativement parlant). 

Quelles sont ces règles, justement Pour limiter les conflits et les abus ? 

Pascale Azria :  De manière cumulative, il faut remplir plusieurs critères : offrir ou donner quelque chose, avoir un brief clair et valider les contenus. Si cela fonctionne, alors la relation commerciale est enclenchée et des obligations s'imposent ; comme signifier de façon explicite la collaboration ou le sponsor. Et puis, il y a d'autres paramètres : si l'on peut faire tester un produit, faire découvrir les coulisses d'un lieu, si l'influenceur en question peut poser les questions qu'il veut, si le contenu est soumis ou non à validation... Donc, en fonction de tout cela, les champs d'actions sont plus larges. Et cela ouvre des voix auxquelles les marques n’avaient pas forcément pensé. Et, lorsqu'on a des clients qui essaient de comparer des campagnes, il ne faut pas oublier la question du budget. D'où l'importance de la transparence à ce sujet, dont je vous parlais tout à l'heure. Il faut donc réfléchir à la rémunération de l'influenceur, comme à celle de l'agence. Et si certains cachent les honoraires, cela fausse aussi bien la compréhension de la marque sur la répartition du budget, que les KPIs. Ainsi, les campagnes qui sont activées de façon mécanique, dans lesquelles il n'y a pas eu de réflexion en amont sur des sujets sensibles, peuvent  êtres sujettes à des bad buzz. 

 De quelle façon selon vous, le triangle "annonceur-influenceur et agent d'influenceur" peut-il bien fonctionner ? 

Pascale Azria :  Ce qui est compliqué, c’est de trouver l’intérêt de chacune des parties. Si l’intérêt est commun, cela fonctionnera extrêmement bien. Et si l’influenceur est passionné par la marque, ce sera encore mieux. Si le style de l'annonceur correspond à celui de l’influencer et que l’agent fluidifie la collaboration et les relations, alors ça fonctionne aussi. L’agence elle, de son côté, est le connecteur entre la performance et la cohérence. Notre rôle est de faire en sorte que l'influenceur crée le meilleur contenu possible pour défendre la marque. C'est là où, en tant qu'agence, nous avons un fort apport. L'influenceur doit avoir une bonne connaissance de la marque en question. Et celle-ci doit de son côté, connaître les contenus que la personnalité choisie propose à sa communauté. Je pense également qu'il faut lui laisser la main sur les contenus. Si les marques sont en capacité de le faire, que tout le monde est en confiance, alors il faut laisser la "patte" qui donne ce côté sincère et authentique aux messages et aux contenus. 

Reste t-il à faire de la pédagogie auprès de ceux qui voudraient travailler avec les marques et sur des secteurs sensibles ?

Pascale Azria : Oui ! Même s'il y a des ratés, il y a eu une évolution dans le bons sens. Une autorégulation. l'ARPP a d'ailleurs travaillé dessus usant d'une certaine pédagogie. Néanmoins, il reste des choses à faire au regard d'un écosystème qui est constante évolution. On l'a vu avec le cas de TikTok et des nouveaux arrivants sur les réseaux sociaux. L'accompagnement doit donc être continu. Aussi, parce que tout le monde y voit son intérêt ! Il y a également le fort pouvoir de recommandation. Surtout à l'heure où la société fait de plus en plus confiance à ses pairs. J’ai donc le sentiment qu'une étape est franchie. Que l'on va pouvoir aller plus loin dans ce type de collaborations et même avec d’autres formes d’influence. Et que c'est par des mouvements collectifs que l'on parviendra à faire bouger les choses. Le Syndicat a la main sur ces questions actuellement mais tous ceux et celles qui le souhaitent, peuvent nous rejoindre et échanger avec nous sur l'éthique et la transparence. Notre métier est très encadré en ce qui concerne l'éthique et la déontologie, et c’est ce qui permettra d’aller un cran plus loin. Toujours dans le respect des communautés, des influenceurs et des marques, bien sûr. Et puis, de plus en plus de monde commence à nous rejoindre. On verra ensuite, au fur et à mesure des évolutions, si la charte nécessite (ou pas) une mise à jour, au moins une fois par an. 

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