Benjamin Marchal et Faustin Claverie : Le Club des DA est le dernier festival connecté à notre réalité créative

Benjamin Marchal et Faustin Claverie

Les co-directeurs de création de TBWA\Paris, ont été désignés cette semaine, directeurs de création de l’année par le Club des directeurs artistiques. L’occasion de revenir sur leur vision du Club et de la création.

CB News : Que signifie pour vous le Club des Directeurs artistiques ?

Benjamin Marchal : Les festivals sont devenus un concentré d’idées laboratoires. Mais la plupart de ces idées n’existent pas !  Alors pourquoi ? Pourquoi une telle dérive a grippé notre métier de « couturier » pour les marques ?   Parce qu’en réalité, il est très difficile d’émerger dans cet univers digital hyper compétitif. Les formats courts prédominent.   Faire vite et sans trop réfléchir est la nouvelle loi guidée par la Data.  Alors, le métier s’invente une vie créative noble pour palier à ce manque de fond : Il me faut une idée qui sauve les humains, qui sauve la planète.  Mais honnêtement, aucune agence ne reçoit jamais ce type de brief en France, qui est pourtant le 3ème marché publicitaire mondial. Et, ne nous leurrons pas, dans les autres pays, c’est pareil. Nous sommes donc collectivement amenés à emprunter cette démarche pour des associations… Mais jamais pour des marques. JAMAIS.  Le CDA est le dernier festival qui est véritablement connecté à notre réalité créative et ça fait du bien. Nous concernant, les marques comme McDonald's et Winamax sont au cœur de notre palmarès. Et vous savez quoi ? Toutes ces idées vendent un produit, tout simplement.   Alors, merci à tous les membres et aux jurys d’être les gardiens de ce beau métier. Nous vendons des produits, des services ou des marques et cela n’a rien de sale ou dégradant. C’est notre métier.  Nous sommes une communauté bourrée de talent qui se bat au quotidien dans toutes les agences. Gagner ce prix est très difficile car il nécessite d’être créatif dans un maximum de catégories. Une seule pièce « créative » ne suffit pas à gagner ce prix même si cette idée rafle tout. Volume et qualité sont les deux maitres mots.  De plus, ce prix marque une année créative française. Alors oui, il compte. Il prime la force d’un collectif.  

Faustin Claverie : C’est tout simplement notre prix à nous les créatifs français. Le D&AD par exemple c’est ouvert à l’international et les créatifs anglais le regrettent. Ils ne se reconnaissent plus dans un palmarès qui ressemble à celui de Cannes ou des One Show. Le palmarès du Club des DA, lui, reflète parfaitement l’état de la créativité que nous côtoyons tous les jours tandis que la mentalité anglo-saxonne domine les festivals internationaux. Le Club est important car il récompense aussi des campagnes qui ne répondent pas aux critères de beauté cannois. C’est important et encourageant de célébrer aussi l’excellence dans le travail quotidien. Contrairement au football, notre championnat local est d’un très bon niveau. 

CB News : En quoi un tel prix a-t-il un impact sur une carrière ?  

Faustin Claverie : Les prix publicitaires sont indispensables pour se faire connaître et travailler dans les meilleures agences. Une fois qu’on a mis le pied dans la porte, il faut renouveler l’exploit chaque année pour garder sa place. On a parfois l’impression de passer le bac chaque année. Quand j’ai débuté, gagner un lion me paraissait hors de portée. En revanche, les jeunes créatifs avaient tous une chance d’être dans le bouquin du club avec une petite annonce presse ou un mailing. Je crois que ma première boule est une carte de vœux. C’est sans doute un peu plus dur aujourd’hui pour les jeunes mais ces petites catégories où rodent moins les créatifs séniors existent encore. Et puis au Club vos travaux sont jugés par des gens qui peuvent potentiellement vous engager. 

CB News :  La créativité d’aujourd’hui a-t-elle changée par rapport à vos débuts ? 

Benjamin Marchal : Tout a changé et en même temps, rien ne changera jamais. Nous travaillons désormais tous dans l’urgence dans un marché crispé qui se regarde en chien de faïence. Dans l’urgence, nous pouvons sauver un chat de la noyade mais en aucun cas construire la tour Eiffel. Ce monde du temps réel abime les idées. Ce monde du « je le veux pour hier » nécessite trop souvent d’aller à la facilité. Heureusement ce qui ne changera jamais, c’est la force d’une idée. Cette fameuse « part de coeur » qui nous fait tous vibrer ! Restons vivants ! 

Faustin Claverie : La créativité telle que je l’ai connue à mes débuts est toujours là. Le talent des créatifs capable d’écrire et de produire un film ou une campagne d’affichage est aussi rare et précieux qu’avant. Ce savoir-faire demande du temps et de la persévérance.   Ce qui a changé aujourd’hui c’est que la créativité ne repose plus uniquement sur le seul talent des créatifs. Créer un produit, réagir vite à une actualité ou hacker une technologie ne dois pas être la chasse gardée des créatifs. Le terrain créatif est devenu tellement vaste qu’il y a de la place pour plein d’autres compétences. Ça tombe bien, il y a tellement de catégories dans les prix de nos jours. Attention cependant à ne pas tomber dans les travers de Cannes qui récompense trop souvent de l’innovation technologique qui ne fonctionne que dans un case study. Nous ne sommes pas des ingénieurs non plus. C’est peut-être inconscient vis-à-vis de mes pairs de dire ça le jour où l’on célèbre le meilleur de la création française mais je crois qu’au fond, nous rêvons tous de travailler dans une agence où la créativité concerne tout le monde. 

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