Twitter devra « totalement » s’adapter au Digital Services Act, selon Thierry Breton

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Twitter, en passe d'être racheté par l'homme d'affaires Elon Musk, "devra s'adapter totalement aux règles européennes" quelles que soient les orientations du nouvel actionnaire en matière de liberté d'expression, a déclaré mardi à l'AFP le commissaire européen au Marché intérieur, Thierry Breton, en évoquant notamment le nouveau règlement sur les services numériques, Digital Services Act (DSA), conclu samedi par les législateurs de l'UE et qui va contraindre les grandes plateformes à mieux lutter contre les contenus illégaux. "Que ce soit sur le harcèlement en ligne, la vente de produits contrefaits, la pédopornographie, les appels à des actes terroristes, Twitter devra s'adapter à notre réglementation européenne qui n'existe pas aux Etats-Unis", a insisté le commissaire, à l'origine de cette nouvelle législation européenne avec son homologue à la Concurrence, Margrethe Vestager. Elon Musk a promis plus de liberté sur Twitter, suscitant de vifs débats sur l'avenir du site de micro-blogging, certains s'inquiétant d'une plateforme qui pourrait devenir plus toxique. Il a toutefois reconnu qu'il y avait des limites imposées par la loi. Le DSA, qui s'appliquera dans quelques mois, une fois achevé son parcours législatif, met à jour la directive e-commerce, née il y a 20 ans quand les géants de la tech, comme Facebook (Meta) ou Amazon, étaient encore embryonnaires. Objectif : mettre fin aux zones de non-droit et aux abus sur internet, tout en défendant mieux les droits des utilisateurs. Le nouveau règlement stipule l'obligation de retirer "promptement" tout contenu illicite (selon les lois nationales et européennes) dès qu'une plateforme en a connaissance. Il contraint les réseaux sociaux à suspendre les utilisateurs violant "fréquemment" la loi.

Au coeur du projet, de nouvelles obligations imposées aux "très grandes plateformes", celles comptant "plus de 45 millions d'utilisateurs actifs" dans l'UE, dont fera partie Twitter. Ces acteurs devront évaluer eux-mêmes les risques liés à l'utilisation de leurs services et mettre en place les moyens appropriés pour retirer des contenus problématiques. Ils se verront imposer une transparence accrue sur leurs données et algorithmes de recommandation. Ils seront audités une fois par an, à leurs frais, par des organismes indépendants et placés sous la surveillance de la Commission européenne qui pourra infliger des amendes atteignant 6% de leurs ventes annuelles en cas d'infractions répétées. "On a maintenant une régulation, elle est extrêmement claire. Elle va nécessiter, pour avoir le droit d'opérer en Europe, que les plateformes s'adaptent aux règles", a estimé Thierry Breton. "S'il n'y avait pas eu le DSA, on aurait pu avoir un Twitter qui fait des choses peut-être contraires à l'intérêt général européen", a-t-il dit. Mais, "ce n'est pas sa réglementation qui va s'imposer en Europe, c'est la nôtre à laquelle il va devoir s'adapter". Concernant un éventuel retour de l'ex-président américain Donald Trump sur Twitter, M. Breton a rappelé que le DSA réglementait aussi les décisions de bannissement, en fixant des conditions et des possibilités de recours. "Nous aurons des règles très claires, très précises, très démocratiques, très lisibles pour décider du bannissement d'un utilisateur qui peut être une nécessité", a-t-il dit. "Chez nous, le bannissement sera évidemment possible, et nécessaire dans certains cas, mais sous contrôle démocratique".

La Fédération internationale des journalistes s'inquiète

La Fédération internationale des journalistes (FIJ), plus grande organisation mondiale de la profession, a condamné mardi le projet de rachat de Twitter par l'homme d'affaires Elon Musk, y voyant une menace pour la liberté de la presse. L'opération envisagée, qui a déjà obtenu le feu vert du conseil d'administration du réseau social, "menace le pluralisme et la liberté de la presse et crée un terrain favorable pour la désinformation", affirme la FIJ, qui représente 600.000 journalistes à travers 187 syndicats et associations de 146 pays. Elon Musk, également PDG du constructeur de voitures électriques Tesla et du groupe aérospatial Space X, "est connu pour avoir depuis longtemps critiqué les politiques de modération de contenus de Twitter et il a régulièrement appelé à ce que le réseau social soit moins réglementé", relève la Fédération basée à Bruxelles, dans un communiqué.   "Le rachat par Musk de Twitter, qui rassemble plus de 400 millions d'utilisateurs à travers le monde, signifie qu'il sera désormais détenu par une seule personne au lieu de plusieurs actionnaires", souligne encore la FIJ qui s'inquiète de cette concentration de pouvoir. Elle critique notamment la volonté d'Elon Musk d'"authentifier" tous les utilisateurs du réseau social, estimant que l'absence d'anonymat "remettrait sérieusement en cause la protection (...) de nombreux journalistes et sources à travers le monde" qui prennent des risques en affrontant des intérêts puissants. La FIJ redoute également une moindre modération des contenus qui pourrait "augmenter la désinformation et menacer le journalisme de qualité". "Twitter est une extension du bureau des journalistes. C'est là qu'ils font la promotion de leur travail, expriment des idées ou trouvent des sources d'information. Cet espace doit être dûment modéré, tout en respectant la liberté d'expression. C'est un équilibre délicat auquel tout propriétaire de Twitter doit faire attention", a déclaré le secrétaire général de la FIJ Anthony Bellanger, cité dans le communiqué. "Nous sommes préoccupés par le fait que les plans d'Elon Musk pour Twitter vont dans la mauvaise direction en exacerbant les possibilités d'attaquer les journalistes et en menaçant l'anonymat des utilisateurs", a-t-il ajouté.

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