Comment garder son avance

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On va encore me prendre pour un type très prétentieux, mais j’ose affirmer que j’ai encore un peu d’avance sur l’intelligence artificielle. Et là, je vous arrête tout de suite, je ne parle pas de ma capacité de raisonnement face à un chat, fut-il GPT. Non, mon avance est temporelle. Je m’explique. J’ai appris comme vous tous qu’une boîte de veille média s’apprêtait à virer près de la moitié de son personnel au motif que l’IA ferait le travail beaucoup mieux qu’eux, plus rapidement et pour moins cher. Sans compter les économies de tickets-restaurants et autres. Or, mon premier vrai boulot dans le monde merveilleux des médias, c’était d’être lecteur de presse. Autrement dit de faire de la veille média. Comme vous pouvez aisément le déduire, c’était il y a longtemps. Très longtemps (ça va, n’insistez pas). J’ai donc encore une certaine avance sur les machines et leurs algorithmes. Pas vraiment de quoi se rassurer. D’ailleurs tout le monde est inquiet. Mais si. Écoutez ce qu’a dit la semaine dernière Delphine Ernotte, la patronne de France Télévisions, qui a doctement expliqué que l’IA c’était formidable, « au sens extraordinaire et au sens latin, c’est-à-dire qui fait peur ». Avouez que c’est une manière très classe d’exprimer son inquiétude. Et ces députés qui ont déposé une proposition de loi pour "urgemment encadrer l’IA", ils ne sont pas inquiets peut-être ? (On leur dit que le temps que leur texte soit étudié, discuté, éventuellement voté et promulgué, l’IA aura laissé l’urgence loin derrière elle ?) Et pourtant, je suis moins inquiet que curieux. Peut-être parce que je viens d’une époque où l’on était épaté par la nouveauté avant de s’affoler de ses conséquences. Je ne dis pas que c’était mieux. Une partie non négligeable de nos problèmes vient précisément de cet état d’esprit du XXe siècle. Mais quand je vois l’intelligence extrêmement limitée de mon smartphone quand il veut m’aider à écrire des messages alors qu’il ne comprend rien ni à la syntaxe, ni à la grammaire, je me dis que l’IA n’est pas encore prête à me rattraper pour écrire mes éditos. Allez ! Dites-moi que ça vous rassure.

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