L’affaire du logo Rolling Stones ou l’appréciation des usages dits parodiques de marques et droits d’auteur

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The Rolling Stones, originaire de Londres, est un groupe de rock mondialement connu et constitué en 1962 par Brian Jones, Ian Stewart, Mick Jagger et Keith Richards. Son succès est phénoménal. Le groupe, qui continue de produire des albums (le dernier en 2021) aurait vendu plus de 240 millions de disques dans le monde.

Le groupe de rock n’assure pas uniquement sa longévité par sa musique, mais aussi par son logo qui est devenue l’emblème du groupe et a d’ailleurs été déposé dans le monde entier. Il a été créé en 1971 par le designer anglais John PASCHE à la demande de Mick Jagger pour le Groupe et est considéré par la presse comme un des logos les plus marquants du 20ème siècle. Ce logo apparaît de prime abord assez simple mais en réalité il constitue à lui seul un symbole très fort du refus de l’autorité et de la sensualité attachée au groupe de musique.

Le Groupe qui commercialise des produits sous cette marque, se montre très attentif aux atteintes que des tiers peuvent porter à ce logo.

C’est dans ces conditions que la société M. BV, qui gère la majorité des droits de propriété intellectuelle du groupe, s’est vue notifier la retenue douanière d’écussons reprenant ce logo de la manière suivante et a assigné la société importatrice de ces produits.

En réplique, la société importatrice a tout d’abord tenté de remettre en cause la recevabilité à agir de la société M. BV alors même qu’en tant que titulaire de la marque elle dispose d’un intérêt à agir reconnu par le Tribunal.

Cette société a également sollicité la déchéance de la marque qui lui était opposée sur le fondement du non-usage. Or les nombreuses pièces produites ont convaincu le Tribunal de l’utilisation de la marque, de manière homogène sur l’ensemble du territoire de l’Union Européenne, avec un volume de vente correspondant à une activité normale.

Le jugement est particulièrement intéressant en ce qu’il reconnaît la renommée des marques invoquées constituées du logo (qui n’était d’ailleurs même pas contestée par l’importateur des produits litigieux). Au soutien de cette demande, de nombreux articles de presse étaient produits rappelant le caractère iconique du logo “Lips n’Tongue”, ce logo étant même présenté comme étant le plus iconique de tous les temps. C’est justement en se fondant notamment sur ce caractère iconique relevé plusieurs fois par la presse et sur l’usage intensif qui en est fait que le Tribunal a considéré que les marques sont connues d’une partie significative du public et jouissent d’une importante notoriété dans l’Union Européenne.

En ce qui concerne les actes de contrefaçon, la société importatrice des écussons litigieux a soutenu qu’il n’y avait pas de risque de confusion puisque les écussons détournaient le logo, en l’associant, par un effet de trompe-l’oeil, à la culture bretonne, et en lui ajoutant un message écrit humoristique (qui n’apparaissait pourtant pas dans les écussons saisis à l’occasion de la saisie douanière). Elle en concluait qu’il n’existait aucun risque que le consommateur français moyennement attentif puisse penser que les Rolling Stones se soient lancés dans la promotion des produits bretons.

À cet égard, après avoir rappelé qu’il était manifeste que les 1000 patchs étaient destinés à un usage dans la vie des affaires, les juges ont relevé que les écussons reprennent à l’identique le tracé, la forme et le volume de la bouche et des lèvres, des dents et de la langue des marques de la demanderesse. Concernant les couleurs, un des modèles d’écusson reprend le même rouge de la langue avec les deux bandes blanches, tandis qu’un autre modèle reproduit une langue de couleur noire avec les mêmes bandes blanches.

Le Tribunal Judiciaire de Paris a alors conclu au risque de confusion entre les signes et a refusé de considérer qu’il s’agissait d’un détournement des marques à des fins humoristiques, en ajoutant néanmoins que cela est, en toute hypothèse, indifférent en matière de contrefaçon lorsque le risque de confusion est caractérisé.

Des demandes étaient également formées sur le fondement du droit d’auteur et le Tribunal a reconnu à ce logo une empreinte de la personnalité de son auteur et un caractère original dans les termes suivants : Le logo conçu par John PASCHE, s’il s’inspire en effet des images orientales, y associe cependant des éléments émanant d’un univers psychédélique et traduit un message invitant à un bouleversement des mœurs, traduisant une vision propre de John PASCHE.

L’exception de parodie n’a pas été retenue en droit d’auteur puisque, selon le Tribunal, l’exploitation est dépourvue d’un quelconque effet parodique, caricatural ou humoristique que ne comporterait pas déjà l’œuvre originale, cet effet ne pouvant découler de la seule impression du drapeau breton au niveau des lèvres du logo.

Dans ces conditions, tant les actes de contrefaçon de marque que de droits d’auteur ont été retenus et la société contrefactrice a été condamnée à une somme de 15 000 euros et à un article 700 de 10 000 euros.

Cette décision est intéressante à plusieurs titres. En effet, le Tribunal ne s’est pas seulement prononcé sur la renommée de la marque invoquée et la contrefaçon mais a été amenée à examiner si les demandes en contrefaçon devaient être rejetées sur le fondement du détournement de marques à des fins humoristiques ou de l’exception de parodie en droit d’auteur. La seule coloration des écussons litigieux en mode breton n’a manifestement pas suffi.

(Les tribunes publiées sont sous la responsabilité de leurs auteurs et n'engagent pas CB News).

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