Éditeurs : comment exploiter la puissance de la création de contenu multicanal ?

lambert

Les changements dans l’environnement médiatique peuvent se produire rapidement, et c’est encore plus évident dans le monde des médias sociaux où l’importance croissante des influenceurs dans la nouvelle économie de création de contenu a suscité une profonde introspection dans le monde de l’édition.

Ami ou ennemi ? Opportunité ou menace ? Comment le contenu des créateurs en ligne cible les publics traditionnels ? Les éditeurs tentent de comprendre ces créateurs et leurs méthodes et surtout les raisons de leur succès.

À l’apogée des médias traditionnels, lorsque le contenu des éditeurs guidait les lecteurs : où manger, quoi porter, où partir en vacances, c’était plus ou moins un exercice unidirectionnel avec peu ou pas de rétroaction de la part des lecteurs. Contrairement aux créateurs, de nombreux éditeurs sont moins acclimatés au public moderne avec des standards exigeants. En tant qu’industrie en croissance de 100 milliards de dollars, impliquant plus de 50 millions de créateurs dans le monde entier, ces millions de créateurs professionnels ou d’influenceurs sont passés maîtres dans l’engagement du public avec des mécanismes sophistiqués et stratégiques pour construire des légions d’adeptes fidèles.

Les éditeurs doivent développer des stratégies pour attirer et engager de nouveaux lecteurs et le playbook des influenceurs est la clé. Il existe déjà un fort chevauchement entre le type de contenu produit par les magazines et les créateurs : les deux ont un impact visuel, s’adressent à un public défini et occupent des centres d’intérêts de niche. Là où ils diffèrent, c’est dans leur capacité à engager le public.

Voici trois pistes pour les éditeurs afin de mobiliser les créateurs :

Quels sont leurs secrets, et les éditeurs peuvent-ils exploiter les mêmes tactiques pour construire leurs audiences ?

1. Rechercher la collaboration

Les marques des éditeurs ont pour elles le statut et la légitimité. Des journaux établis aux titres de magazines premium comme Gala, le pouvoir de la marque est indéniable et donne aux éditeurs une arme secrète dans le jeu médiatique. Dans un scénario gagnant-gagnant, les éditeurs ont accès à de nouveaux publics, et les créateurs obtiennent une nouvelle plate-forme brillante et prestigieuse pour élargir leur profil.

Rolling Stone, qui existe depuis 55 ans, utilise actuellement cet échange avec beaucoup d’efficacité. En 2021, le magazine a connu son année la plus rentable en deux décennies, une grande partie de son succès étant liée au nouvel investissement dans les événements en direct et au nouvel accent éditorial mis sur les influenceurs.

Il convient toutefois de s’assurer que le rapprochement entre la marque et l’influenceur soit pertinent et vérifier soigneusement le profil des candidats potentiels.

 2. Reprendre la stratégie multiplateforme des influenceurs

Existant à la fois dans des formats imprimés et numériques afin d’atteindre de nouveaux publics, de multiples canaux sociaux sont devenus de plus en plus incontournables pour les éditeurs.

Les meilleurs créateurs de contenu ont conquis plusieurs plates-formes et ont souvent une présence Web distincte. Maîtriser l’art de l’omnicanal est primordial pour minimiser le « risque de plate-forme », qui rend les marques vulnérables à la suppression de fonctionnalités ou à des modifications de l’algorithme qui pourraient leur nuire. Enfin, une stratégie multi-plateforme protège les éditeurs contre le déclin brutal d’une plateforme.

La plupart des éditeurs ont déjà une présence sur les médias sociaux, mais au-delà des profils attendus sur Facebook, Instagram, Twitter et LinkedIn, il y a aussi TikTok, Patreon, Substack et les kiosques numériques à considérer. Il y a toujours de nouvelles opportunités, de nouvelles techniques et de nouvelles idées à recueillir sur ce que le public pense et ressent.

3. Faire la promotion de votre propre talent créatif de style influenceur

Beaucoup d’éditeurs ont finalement accepté l’idée que les meilleurs influenceurs étaient leurs propres équipes rédactionnelles.

Les journalistes radio, télé et presse se sont engagés dans la course aux followers et n'hésitent pas à publier sur les réseaux des contenus et commentaires originaux, différents de ceux que l'on retrouve chez leurs éditeurs.

Le cercle vertueux le plus spectaculaire est celui qu’Edwy Plenel a réussi à mettre en place, profitant de toutes ses interventions télévisuelles ou radiophoniques pour commencer ses phrases par “sur Mediapart…” ou “”chez Mediapart…".

La qualité des contenus n’est pas contestable mais la corrélation entre les 2,9 millions de followers sur twitter de Mediapart et les 1 million de followers de Plenel est historiquement avérée.

La liste des journalistes qui accumulent des audiences similaires, voire supérieures, à celle des rédactions qui les emploient est devenue suffisamment importante pour interpeller les éditeurs : Jean-Michel Aphatie (528 000 followers), Pascal Praux (250 000 followers), Jean-Jacques Bourdin (560 000 followers), Bruce Toussaint (340 000 followers), etc.)

Les éditeurs ont ainsi provisoirement renoncé à engager des créateurs de contenu externes, et s'appuient sur leurs équipes éditoriales pour créer des contenus avec leur propre présence en ligne. Cela peut sembler une prochaine étape logique, mais l’arrangement doit être mutuellement bénéfique, avec des règles de base claires. Le journaliste se nourrit du titre mais est également représentatif de la marque avec tous les risques qui en découlent. Si l’équilibre est bien géré, les éditeurs et les créateurs de contenu bénéficieront d’un coup de pouce à leurs profils.

Ils doivent, comme les agents de téléréalité, gérer leurs écuries des meilleurs créateurs d’audience sur le net pour ne pas laisser s'échapper ce trésor.

Les éditeurs ne peuvent pas agoniser face au déclin de leurs modèles d’édition, ils se doivent d’imiter les stratégies des créateurs de contenu pour se connecter avec les futurs lecteurs, en particulier la génération Z. La bonne nouvelle est que les éditeurs représentent encore un gage de sérieux et jouissent d'une indéniable influence – rester pertinent est une question qui repose sur la rencontre avec les lecteurs là où ils se trouvent. 

(Les tribunes publiées sont sous la responsabilité de leurs auteurs et n'engagent pas CB News).

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