Il est temps de faire « grandir » la communication sur la prévention aux IST/VIH

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La thématique de la sexualité -au sens large- est abordée de façon de plus en plus mature dans la sphère médiatique. La pop culture lève ainsi le voile sur des sujets tabous à travers des séries telles que Sex Education, Big Mouth… et sur les réseaux sociaux le sexe se présente à l’état brut (cf. les comptes Instagram Jouissance club ou T’as Joui ?).

A contrario, les institutions publiques, privées et la plupart des associations ont dû mal à faire « grandir » leur communication autour de la prévention aux IST et aux VIH. Trop infantilisante et trop éloignée des nouveaux rapports à la sexualité des 18-25 ans, leurs campagnes de prévention n’interpellent plus cette génération avec des conséquences désastreuses. 

En effet, en 2020, l’état de lieux de la prévention aux IST et au VIH est affligeant. Entre la minimisation des conséquences du VIH, idées reçues ou encore syndrome « d’invincibilité », la jeune génération n’intègre pas le discours préventif dans leurs pratiques. Les chiffres de l’étude d’IFOP sur les jeunes et le VIH, témoignent d’un déficit d’éducation conséquent : 26% des jeunes interrogés estiment être mal informés sur le VIH/sida et 32% considèrent avoir moins de risques que les autres d'être contaminés.

Ainsi, ni les 3 séances d’éducation sexuelle par an au collège, ni les campagnes publiques ne suffisent à sensibiliser les jeunes sur les IST et le VIH. 

Pour pallier ce déficit, certains influenceurs prennent le relai et endossent le rôle « d’éducateur sexuel » quitte à braver la censure des réseaux sociaux. 

C’est le cas entre autres de la Youtubeuse Pure Human Soul, qui partage sans tabou toutes « ses premières fois » en évoquant ses erreurs, ses leçons et ses plaisirs. Tel un journal intime partagé aux yeux de ses 460.000 abonnés, l’influenceuse aborde de façon décomplexée et sans filtre son rapport à la sexualité, les rapports à risques et les moyens de prévention.

Ni prof, ni experts, ces influenceurs ancrent le discours préventif dans la « vraie vie » pour le rendre plus explicite et plus identifiable. La « révolution » qu’apporte ces comptes Instagram ou YouTube ne se trouve pas dans le discours préventif, mais dans la capacité à interpeller la jeune génération en pointant du doigt des sujets encore tabou et en tenant compte de toute la complexité des rapports à la sexualité.

Si les dangers autour des IST et du VIH restent inchangés, le rapport à la sexualité lui, a évolué. Pourtant, encore aujourd’hui, les discours de prévention emploient le même schéma narratif : menace, punition, récompense. Une communication infantilisante qui, bien que légitime lorsqu’on parle de prévention, n’est plus efficace.

Pourquoi ? Parce que, la sexualité n’est pas perçue comme une « punition » mais comme une forme « d’empowerment » comme le démontrent les challenges sur Tik Tok (#WapChallenge) ou les comptes Instagram qui témoignent de nouveaux mouvements d’émancipation sexuelles (Tu bandes ?, Jouissance Club). La sexualité a désormais plusieurs visages sur les réseaux sociaux : la liberté, l’émancipation, l’affirmation de soi, la fluidité…soit mille et une façons de la concevoir et donc de partager le discours préventif.

Au-delà de la forme, la force de ces contenus repose dans leur capacité à intégrer ces nouveaux schémas de pensées et donc à faire évoluer le discours préventif pour sensibiliser davantage la jeune génération. Ainsi, le port du préservatif n’est plus perçu comme une « entrave » à la sexualité, mais comme une forme d’élévation de soi ; une façon d’affirmer sa sexualité.

Films, réseaux sociaux, musique… la sexualité est abordée sous toutes ses coutures et pourtant, « en France, l'éducation sexuelle, c'est un préservatif qu'on enfile sur une banane et ça s'arrête là », affirme Manon, la femme à la tête du compte Cul Nu. Il est grand temps pour les institutions de faire leur puberté en adaptant réellement le discours préventif à ses publics et aux agences de les accompagner dans cette démarche. L’enjeu est de taille.

(Les tribunes publiées sont sous la responsabilité de leurs auteurs et n'engagent pas CB News).

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