Investir dans la télé en temps de pandémie

lannevere

“2020, avec ses soubresauts, son rebrassage inédit des possibilités et pratiques de consommation sous les coups de boutoir des confinements, semi-confinements et autres couvre-feux, aura-t-elle durablement rebattu les cartes en matière d’investissement média sur la TV ? de son efficacité ? Nous en doutons.

Bien sûr, sur les longues semaines du premier confinement, beaucoup de grands annonceurs ont déserté massivement les écrans TV. Cela peut sembler paradoxal alors que les audiences ont tout aussi massivement augmenté sur cette période, car captives dans leur propre domicile.  Il n’en est rien, car pour les marques dans les secteurs considérés comme non essentiels, il y avait une trop grande incertitude sur la capacité de la distribution en ligne à compenser les fermetures de circuits entiers de distribution. Le retour sur investissement de l'écran TV a souvent été jugé trop risqué sur cette période. Elle a quand même été une parenthèse enchantée pour des marques qui ont pu, sur quelques semaines, accéder au média TV, les coûts par GRP (CGRP) baissant jusqu'à devenir abordables pour elles.

Bien sûr aussi, la plupart des annonceurs qui sont revenus en masse vers la TV sur les semaines précédant ou suivant immédiatement le 1er confinement ont vu des retours sur investissements (ROI) très positifs (croissance à 2 chiffres souvent observée) sur ce média, même en les comparant avec la même période de l'année précédente. Le rush sur le média TV a coïncidé avec un besoin des consommateurs d’un “retour à la normale” induisant une surconsommation de rattrapage. L’inflation des coûts par GRP, restée mesurée, n’a pas effacé la performance.  Les surperformances de ROI media s’expliquent également sur cette période par des arbitrages fréquents qui ont conduit à un désinvestissement de canaux à bas ROI (par exemple l’affichage).

Une dynamique différente de performance se dessine depuis septembre, alors que la tendance en termes de consommation est nettement moins favorable que pendant l'été, et que les CGRP TV ont augmenté, parfois de manière significative sur certains dayparts ou formats. Les marges de négociation avec les régies ont elles diminué, du fait non seulement d’une demande accrue pour de l’espace, mais également car les budgets se manifestent à très court terme (e.g. heavy ups).  Nous commençons donc à mesurer les limites de la surpondération de la TV dans l’investissement média, via nos modèles économétriques :

·       la qualité de réponse en termes de ventes incrémentales se tasse, bridée par les limitations de la distribution liés à la crise sanitaire...et de plus en plus impactée par la crise économique et sociale

·       une certaine perte de repères, traduits dans des investissements daypart ou formats qui s'éloignent des règles/facteurs de succès historiques… qui ajoutées à des effets offre/demande qui rendent les négociations plus âpres avec les régies et conduisent parfois à des sous-performances campagnes.

·       les synergies historiquement démontrées entre TV et digital dynamique ont parfois été plus difficiles à maintenir, tant l’arbitrage des budgets resserrés en faveur de la TV a joué. Cependant elles continuent de jouer à plein, et nos analyses de performance réalisées depuis mars 2020, jusqu'à fin novembre démontrent la surperformance de cette complémentarité TV Online Video quand les annonceurs l’ont déployée.

Au-delà des évolutions à court-terme du ROI, nous commençons à mesurer des effets pré et pendant covid quant à l'impact des différents médias sur les différents canaux de vente. La TV, comme la plupart des canaux média, génère plus de ventes on-line aujourd’hui que sur la période pré covid, et il est probable que directionnellement cet impact sera confirmé dans le futur.

Au total, les signaux émanant de nos résultats à date tendent plutôt vers un retour au “monde d’avant” en ce qui concerne l'efficacité relative de la TV….

Alors que faire sur 2021 ?

- se recentrer sur les fondamentaux de l'efficacité des stratégies média pour sa marque, et franchement ne pas prendre le pari que 2020 aura structurellement rendu la TV beaucoup plus efficace, sur la base d’un reach accru.

- continuer de penser la TV dans une stratégie omnicanale, exploitant les synergies et intégrant les effets de halo dans le calcul de rentabilité

- continuer de tester des canaux média dynamiques alternatifs, tels le streaming TV (nous avons vu cette année des résultats très encourageants en termes de ROI, supérieur à tous les autres canaux) ou les chaînes Replay

- se concentrer sur les bases de rentabilité économique de chaque campagne….les chiffres de 2020 en agrégé n’ont pas de vertu business, ce ne seront que des données comptables au final. Essentiel aussi de concentrer la mesure et l’analyse sur les performances (réponse, coût) de la période la plus récente (depuis septembre 2020 par exemple)

- intensifier le dialogue entre agence media et analystes de mesure de performance (qu’elle soit faite en interne ou externalisée) car seule une contextualisation poussée peut permettre de dé-risquer la lecture des résultats

- mesurer holistiquement le ROI media : les marques qui se limitent à de la mesure canal par canal ou pire, à la mesure d’un seul canal risquent de sous-estimer l’impact du marketing et sous-évaluer leur ROIs par près de 50%

- multiplier toutes les approches de mesure et de lecture de la performance, car en 2021 comme en 2020 la meilleure approche pour de-risquer la prise de décision sera de l’ancrer dans une discipline de croisement des résultats, des points de vue. De façon générale, il y a une réelle difficulté à « lire » en ce moment les résultats évaluant les performances média, donc pour les entreprises n’ayant pas une plateforme analytique suffisante, les risques sur l’investissement média ont considérablement augmenté. Somme toute, en ligne avec le risque business général.

Ce qui restera (ou devrait rester) de 2020…. et 2021... des mois Covid en fait, en matière de stratégie d’investissement publicitaire est surtout une incroyable progression en agilité opérationnelle, en compréhension mutuelle des process et contraintes spécifiques de chacun, et cela pour tous les acteurs de notre écosystème. Nos modèles sont assez limités quant à isoler cet effet sur les ROIs...mais j’imagine facilement que cela se traduira dans les performances financières, et aussi dans une meilleure satisfaction à travailler ensemble.

(Les tribunes publiées sont sous la responsabilité de leurs auteurs et n'engagent pas CB News).

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