Métaverse : « Il n’y a pas de précurseurs, il n’existe que des retardataires »

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S   econd Life au milieu des années 2000, Pokemon Go en 2016, Animal Crossing en 2020… et désormais l’annonce de Facebook de la création de 10 000 emplois en Europe pour développer le Métaverse. La réalité virtuelle et la réalité augmenté s’invitent dans notre quotidien par l’intermédiaire de devices comme l’Oculus Quest ou les défuntes Google Glass, mais aussi au travers de communications de marques dans les colonnes de nos supports favoris. Cependant, pour bon nombre d’entre-nous, ce futur proche n’a jamais pris les atours d’une réalité palpable. Il semble pourtant que ce nouveau virage d’internet, voire révolution, soit désormais visible à l’horizon. Et avant d’en déterminer l’intérêt (ou pas) pour les marques il convient d’en définir les contours.

Dans l’univers de la technologie, le Métaverse, contraction de « meta universe » en anglais, s’apparente à « the next big thing » selon Mark Zuckerberg. Il s’agit d’un environnement virtuel auquel l’utilisateur peut accéder sous forme d’avatar via des lunettes de réalité virtuelle ou augmentée pour converser avec des amis, jouer à des jeux, travailler, créer, consommer, gagner sa vie... Bref, une forme de doublure du monde réel au format numérique. Le champ des possibilités y est donc infini, avec tous les aspects positifs ou négatifs que cela peut entraîner. Ceux d’entre vous qui ont pu voir Ready Player One de Spielberg ont eu l’occasion de s’en rendre compte... Par ailleurs, Facebook est loin d’être seul à travailler sur le Métaverse et a reconnu qu’aucune entreprise ne le possédera et ne l’exploitera. A titre d’exemple, Epic Games (Fortnite) a notamment levé 1 milliard de dollars pour participer à la construction du Métaverse. En parallèle, toutes les grandes entreprises technologiques (Microsoft, Apple, Alphabet, Facebook…) travaillent à créer des périphériques compatibles afin de constituer une base de connexion au Métaverse. De son côté, Snap a déjà déployé des lentilles de réalité augmentée pour y développer des opportunités publicitaires. Nous assistons donc à un véritable virage pour l’ensemble des acteurs de la chaîne digitale. Avec le développement de la réalité augmentée et de la réalité virtuelle, le marketing et la publicité sont ainsi amenés eux aussi à évoluer.

Alors que nous pouvons aujourd’hui voir des publicités display ou des vidéos sur nos écrans, nous serons certainement amenés à croiser de nouveaux formats dans le Métaverse. Il pourrait s’agir d’un vendeur virtuel qui tenterait sa chance à nous proposer le dernier dentifrice, des placements produits dans les rayons de supermarchés virtuels, de billboards tels que nous les connaissons dans le monde réel… La passerelle Dunlop du circuit des 24h du Mans n’a qu’à bien se tenir ! Plusieurs questions demeurent cependant en suspens. Quelle firme se positionnera sur ces nouveaux marchés pour héberger ces nouvelles publicités ? Qui pourra créer la meilleure technologie ou les meilleurs formats publicitaires dans cet univers parallèle ? Les géants de l’industrie publicitaire d’aujourd’hui le seront-ils dans le Métaverse demain ? Des régies externes au Métaverse auront-elles la possibilité de commercialiser des emplacements ou de créer des formats innovants ? Une interopérabilité entre différents Métaverses sera-t-elle effective ? Alors que le British Museum a pris la vague des NFT et mis à la vente deux cents œuvres numériques d’Hokusai, le marché des objets numériques pourra-t-il dépasser celui des objets physiques ? Nul ne peut encore l’affirmer. Nous savons en revanche que les promoteurs de produits physiques auront toujours besoin de nouveaux carrefours d’audience.

Ainsi, assurer la proposition de produits ou services dans cet univers parallèle pour les consommer dans le monde réel, offrir aux utilisateurs la possibilité de vivre de véritables expériences alternatives amenées à se poursuivre dans le monde physique, tel sera très certainement l’objectif d’une multitude d’acteurs comme l’a déjà fait Longchamp dans Pokemon Go. Créer des événements époustouflants, des galeries d’art virtuelles… Le Métaverse n’aura de limites que celles de notre imagination. Ils devront néanmoins se souvenir qu’ils s’adressent à des avatars et se souvenir que si la réalité peut parfois dépasser la fiction, la réalité virtuelle doit par nature exalter le réel.

Cette déferlante technologique peut ainsi représenter un réel danger dans son rapport à soi mais également aux autres. Si le Métaverse pose les jalons d’une extension de soi dans le virtuel, alors l’un des principaux défis consistera à trouver une harmonie entre ses différentes identités, comme un comédien doit parfois le faire à la fin d’une représentation. D’autre part, certaines personnes pourraient rapidement tomber dans l’écueil de l’addiction en rejetant la réalité du monde physique pour embrasser celle d’un monde virtuel qu’ils préfèrent. Ce comportement généralisé signerait le glas des relations sociales telles que nous les avons toujours connues...

En définitive, cette révolution technologique n’est pas sans danger. Elle pourrait cependant être de nature à concerner plus que jamais l’ensemble des acteurs de la chaîne publicitaire. Se positionner sur la ligne de départ pour creuser son trou et figurer parmi les vainqueurs sur la ligne d’arrivée s’apparente ainsi désormais à une question légitime. “Il n’y a pas de précurseurs, il n’existe que des retardataires.” – Jean Cocteau

(Les tribunes publiées sont sous la responsabilité de leurs auteurs et n'engagent pas CB News).

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