Présomption de culpabilité : quand la communication prend le pas sur le droit

Sébastien Rouichi-Gallot

Lors d’un procès, les parties prenantes concernées sont susceptibles d’être vulnérabilisées en raison d’une surexposition médiatique. Information, désinformation, victimes présumées mais aussi coupables présumés, l’annonce seule d’une plainte intentée est susceptible de discréditer une organisation.

La propagation de l'information et des prises de position contribue à instruire des procès d’opinion sans que les garanties d’un procès équitable soient réunies. Face au pouvoir prescripteur de l’opinion publique, il devient dès lors urgent de maîtriser sa communication pour rééquilibrer les prises de parole et atteindre un procès équitable, et dans l’idéal favorable.

Le tribunal de l’opinion

Les crises peuvent provoquer des dommages irréparables en termes de réputation pour les personnes en situation litigieuse. De la chute dans les sondages de François Fillon en pleine campagne présidentielle à l'absence de Roman Polanski à la cérémonie des Césars, ces deux derniers ont invoqué et accusé ce tribunal autoproclamé qu’incarne le tribunal de l’opinion. La liste est loin d’être exhaustive, de trop nombreuses affaires judiciaires deviennent médiatiques sans être jugées et sont porteuses de conséquences lourdes. La progressive substitution du tribunal de l’opinion à la justice interroge à l’heure où les exigences de justice se font de plus en plus fortes. 

Par la presse et le numérique, véritables catalyseurs de l’opinion publique, les tribunaux d’opinion s’érigent en tant que puissance incontestable affinant drastiquement les frontières entre l’opinion et la justice. La montée en puissance des 60 millions de juges, de procureurs selon le Président de la République, est corrélée avec la dévaluation des autres institutions, notamment celle de la justice. Or, le rôle du tribunal de justice - indépendant par essence - n’est pas d’opérer hors des cours. Une telle démarche sacrifierait sa légitimité et contribuerait à le confondre avec l’opinion publique.

Pourtant, l’opinion publique, même si elle ne consacre pas la justice, reste prescriptrice et donc par définition légitime. Certains la considèrent comme motrice de la démocratie de par sa représentativité. Avec l’émergence de l’État moderne, elle fait davantage l’objet d’attentions car l’exercice du pouvoir apparaît de plus en plus conditionné par l’acceptation de la part de la population des décisions prises. Forte de son influence grandissante, l’opinion est donc capable d’orienter un procès.

La relève de la communication éclairée face aux procès d’intention

Si les professionnels du droit sont souvent contraints de garder le silence, les tribunaux d’opinion émettent des avis sans disposer d’une expertise juridique. Comment trouver un équilibre pour un discours médiatique éclairé ?

 La communication sous contrainte judiciaire s’avère être une discipline pointue mais pertinente afin de rétablir un certain équilibre à l’égard des procès médiatiques. Détenteurs d’une expertise pointue du droit, des professionnels de la communication sont en mesure de rétablir une communication éclairée, et même parfois favorable, lors des entre-temps d’un procès s’illustrant par leur criticité. Il s’agit d’une discipline peu développée en France, mais qui pourrait dans ces prochains temps prouver sa nécessité dans l’Hexagone.

(Les tribunes publiées sont sous la responsabilité de leurs auteurs et n'engagent pas CB News).

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