Chine : Comment le luxe et la mode séduisent la Gen Z

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(© Toby Yang, Unsplasg)

En 2018, plus de 6000 euros de produits de luxe ont été investis de façon individuelle, par la Gen Z en Chine. Un constat qui a poussé les experts de la mode et du luxe et notamment Hylink, agence de publicité chinoise et société de média, à livrer une analyse précise des préférences esthétiques de ces consommateurs. Et à organiser une table ronde à Paris, le 22 janvier dernier pour la presse et les retailers.

Nǐ hǎo! Ils sont jeunes, riches, hyper-connectés, veulent être uniques en leur genre en se démarquant par leur style vestimentaire et leurs goûts de luxe. Ne cherchez plus, il s’agit de la Gen Z Chinoise (née dans les années 1990). Mais comment les retailers peuvent-ils répondre à leurs attentes et les fidéliser à une marque ? Et comment peuvent-ils les mener à consommer des marques françaises ? Pour y répondre, l’agence Hylink, représentée par Yuan Zou, directrice du développement Europe Mode et Luxe, invitait Eric Briones, auteur et curateur du Salon du Luxe, Anne Etienne-Reboul, présidente de Peclers et Manuel Mallen, fondateur de la marque de joaillerie éthique, Courbet, à en débattre autour d’une table ronde.

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(© Tianshu Liu, Unsplash)

Une Gen Z déjà émancipée

Si les jeunes chinois et chinoises ont un comportement semblable à ceux des jeunes américains et européens, aimant les réseaux sociaux, le street-wear et passer du temps sur les réseaux sociaux, ils s’en différencient d’un point : celui de pouvoir consommer des biens de luxe bien plus souvent que leurs voisins du même âge. La raison ? Ils s’émancipent plus tôt, gagnent un salaire avantageux de façon assez rapide et ont un rapport plus intime avec les marques (plus sensibles aux discours de marque).

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(© Unsplash)

À commencer par les femmes qui embrassent rapidement une carrière et aiment accéder à des biens haut-de-gamme, sinon à des expériences uniques pour revendiquer leur féminité, ou chercher des sources d’inspiration (maquillage, mode, hôtellerie, etc). 30% d’entre elles en effet son PDG d’une entreprise en Chine et 50% d’entre elles sont à la tête d’une start-up (51% des membres de WeWork, contre une moyenne mondiale de 47%). Ainsi, une fois accompli, plus besoin de casser sa tirelire dans les magasins luxueux en centre-ville. En parallèle, « la Gen Z européenne challenge le prix, quelques soient les catégories de produits. Mais il y a aussi des Key Opinion Leaders Chinois qui sont endettés », précise Anne Etienne-Reboul, présidente de Peclers. Mais ce n’est pas tout : si la Gen Z est plus encline à subvenir à ses propres besoins, c’est parce que « bon nombre de personnes n’ont pas encore d’enfants, ou n’ont pas à soutenir leurs parents, puisque la tradition en Chine, c’est d’aider les enfants financièrement jusqu’à ce qu’ils puissent le faire seuls et leur donner de l’argent de poche », explique Yuan Zou, directrice du développement Europe Mode et Luxe d’Hylink. Ces derniers représentent d’ailleurs 15% à 16% de la population et plus de la moitié d’entre eux, travaille déjà. Enfin, 10%, à moins de 30 ans, ont déjà créé leur propre business. 

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(© Liang Tang- Unsplash)

Des marques inspirantes et inspirées qui font de l’ombre aux Etats-Unis

Un phénomène que les annonceurs ont d’ailleurs bien compris, autant pour séduire les chinoises revendiquant leurs origines, que celles qui s’inspirent des modèles européens, avec des slogans séduisants et basés sur les concepts de l’ambition, de l’auto-accomplissement et de la performance. Parmi eux par exemple, « Do it on your own way », initié par la marque japonaise de cosmétiques Sk-II et une campagne publicitaire de Nike Corée mettant en vedette des sportives coréennes et des stars de K-Pop : « Décidez vous même de votre destin ». Une technique qui leur permet de fidéliser la clientèle, tout comme d’axer sur l’aspect local de la marque. Pas étonnant donc que des marques européennes telles que Balenciaga, Gucci, Nike, Marni, ou encore Kitsuné, Kenzo et Chanel, proposant du streewear ou du « mix and match », continuent à prospérer auprès de ces « petits empereurs » ; une population qui n’a qu’une chose en tête : valoriser la culture de son pays, autrement dit, prouver sa fierté nationale. Le phénomène en découle d’ailleurs dans l’implantation des enseignes étrangères, pour Anne Etienne-Reboul, qui constate : « Il y a une baisse du luxe américain en Chine ». Toutefois, si les marques en déclin ne sont pas mentionnées, d’autres comme Icicle, COS, Jil Sander, Loewe, Celine, ou encore Acne studio, Church’s, Stella McCartney et Ernest Leoty plaisent toujours aux consommateurs/trices minimalistes.

L’influence virtuelle, le graal des jeunes chinois

Autre trait de caractère repéré chez les jeunes chinois/ses : l’hyper-connectivité, qui les pousse à devenir chacun et chacune une star des réseaux sociaux, des jeux-vidéos, du gaming et autres plateformes de vidéo (Tik Tok et Bili Bili). Alors que certains sont des créatifs dans l’âme, ont un style vestimentaire « arty », les marques ont anticipé leurs désirs, leur proposant depuis, des produits uniques en leur genre et dédiés à une utilisation de plus en plus digitale et virtuelle : des rouges à lèvres pixellisés à l’image de l’avatar Pearl, ou des filtres beauté proposés par la solution de paiement Alipay. Parce que le luxe, c’est d’avoir ce que les autres n’ont pas, d’être moderne pour sortir du lot et de manier la tech à l’image d’influenceuses virtuelles, telles que l’artiste 3D, Ruby Chan Ka Yu. Ou d’être aussi réputée que Du Juan, actrice, danseuse et ambassadrice de marque. Mais pourquoi passer tant de temps derrière un écran plutôt que d’aller au café entre amis ? La raison est simple : on ne fait pas les boutiques seul/e mais pratique le « social shopping ».

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(© @wooozxh, Unsplash)

Les Chinois très sensibles aux discours de marques

Un comportement que les intervenants de la conférence et notamment Yuan Zou, expliquent par le fait que : « Les Gen Z sont pour la plupart, issues de familles avec un enfant unique, ainsi leur rapport aux marques est plus fort. Certaines se présentent comme des guide lines de vie. Cependant, la confiance peut très vite être brisée s’il y a des maladresses dans le discours de marque. Et il est difficile de la reconquérir par la suite. C’est le cas de Dolce & Gabbana qui avait fait un défilé à scandale puisque stéréotypé, en 2018, ou de Burberry à l’occasion du Nouvel An chinois en début d’année ». Ainsi, si les chinois et chinoises ne quittent plus leur téléphone portable et qu’ils interagissent fréquemment avec les marques sur les réseaux sociaux (pour découvrir des nouveaux produits ou rechercher des avis laissés par leurs communautés), les marques, elles, en revanche, se voient fragilisées par les nouvelles technologies : celles-ci n’étant plus à l’abri d’y perdre leurs plumes et leur réputation… par une simple propagation de clics.

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(© Malvestida Magazine, Unsplash)

Luxe et développement durable vont de pair

Parmi les autres aspirations de la Gen Z, celles d’agir en faveur du développement durable ou de participer à des actions humanitaires, en quête de « sens ». « En Chine, il y a un progressisme sur le développement durable. Les Chinois sont optimistes sur l’avenir du pays, plus qu’en Europe », analyse Yuan Zou, directrice du développement Europe Mode et Luxe chez Hylink après avoir constaté que de nombreuses technologies se mettent au service de l’environnement et de la protection des citoyens. L’occasion pour les annonceurs et autres acteurs du retail, de mettre en place des services uniques pour rapprocher les citoyens de la nature ou leur proposer des « bulles de bien-être. Tel est le cas du groupe Intercontinental qui a annoncé en octobre 2018, vouloir lancer 200 hôtels dans l’Empire du Milieu, dédiés au bien-être et au développement personnel.

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(© Godlslar Zbo-Unsplash)

Et en France ?

À l’inverse, de nombreuses marques asiatiques s’implantent en France, lorsque les retailers Français s'étendent hors frontières (Galeries Lafayette). Tel est le cas de la marque japonaise misant sur la praticité des vêtements, Uniqlo, de la marque Erborian, inspirée de la beauté à la coréenne fondée en 2007 par une française, ou encore des pop-up stores qui fleurissent dans de nombreux centres commerciaux de l’Hexagone. Côté tourisme également, les grands groupes hôteliers n'hésitent pas à mettre l'accent sur les traditions asiatiques. Tel est le cas de The Peninsula Paris (établissement situé dans le 16ème ard), qui proposait  cette année à sa clientèle fortunée et majoritairement étrangère, un repas  « china friendly » à l'occasion du Nouvel An : un dîner axé sur une cuisine cantonaise préparé par le chef Dicky To, originaire de Hong Kong, au sein de son restaurant LiLi.

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(© Unsplash)

Conseils aux investisseurs pour s'implanter sur le marché chinois

Au regard de ces modes de vie, Anne Etienne-Reboul, présidente de Peclers aurait tendance à conseiller à ceux qui désirent implanter leur commerce en Chine, de faire preuve d’une grande curiosité. « Il faut suivre les évolutions de près, en ayant des connexions locales avec eux. Et faire preuve de transparence dans son storytelling ». Cela en choisissant par exemple une ou plusieurs égéries distinguées dans le pays pour représenter les produits de sa marque, l’« idol marketing » étant très fort et très démocratisé. De son côté, Manuel Mallen, fondateur de Courbet qui cherche à augmenter la visibilité de sa marque, notamment sur le digital, dira « Les Chinois préfèrent les marques locales donc il faut comprendre leur langage ». À l’heure actuelle cependant, la joaillerie est encore protégée et représente, pour beaucoup, l’art de vivre à la française, contrairement au marché des équipements mobile ou de l’automobile.

 

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