Le groupe Ouest France à l’offensive

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De gauche à droite : David Guiraud et François-Xavier Lefranc

(© Thierry Wojciak/CBNews)

Le mantra est bien connu dans l’univers de la presse et plus largement des médias : « la première condition de l’indépendance, c’est d’être profitable ». Une phrase qu’a fait sienne le duo invité jeudi dernier par l’Association des journalistes média (AJM) lors d’un petit déjeuner d’échanges : David Guiraud, président du conseil de surveillance du groupe Ouest France et président de l’Association pour le soutien des principes de la démocratie humaniste (ASPDH), propriétaire du groupe Ouest France, et François-Xavier Lefranc, président du directoire. Car si le groupe réalise aujourd’hui environ 560 millions d’euros de chiffre d’affaires (dont 317 millions d’euros en 2022 pour le seul Ouest France) et une marge brute de 30 millions d’euros, son organisation « vertueuse », souligne M. Guiraud, avec l’ASPDH au sommet qui joue un véritable « rôle d’inspiration » pour aussi aider la « rédaction à réfléchir », lui permet dans l’absolu de ne pas subir d’OPA puisque le groupe n’a pas de… capital. Puis, tous les profits sont « réinvestis ». De quoi vivre dans une certaine sérénité face à d’éventuelles velléités extérieures pour un groupe qui édite notamment, outre le titre Ouest-France, 90 hebdomadaires et 4 autres quotidiens (Presse Océan, Courrier de l’Ouest, Presse de la Manche et Maine-Libre).

Dans un contexte économique forcément compliqué pour la presse à l’heure où les coûts de l’énergie et du papier rivalisent dans leurs augmentations, le groupe Ouest France entend proposer des médias « populaires », prône David Guiraud, en pratiquant malgré tout la « politique du moins cher possible ». Avec la pleine conscience, cependant, que « l’on sera sans doute amené à augmenter nos prix ». En attendant, la stratégie et le modèle économique « c’est l’abonnement », assène-t-il, pour au final revendiquer 240 000 abonnés numériques alors que « 75% des audiences du site internet se font en dehors de l’Ouest », précise-t-il. Et que le print représente encore tout de même 83% du chiffre d’affaires du groupe. Afin de séduire de nouveaux lecteurs, notamment les plus jeunes, Ouest France ne ménage d’ailleurs pas sa peine et propose des abonnements gratuits aux moins de 25 ans, cette cible de futurs potentiels lecteurs si difficile et volatile à atteindre. Éditorialement, le groupe Ouest France est sûr de sa force : « nous sommes le média référent sur toutes les problématiques de territoires », pointe pour sa part François-Xavier Lefranc. Si tous les sujets se veulent sous le prisme des territoires (santé, alimentation, économie, numérique, défense, l’Europe, le maritime, etc.), le groupe qui vient de renforcer sa rédaction parisienne ambitionne également de muscler sa couverture de l’Outre-mer en la doublant et, à plus long terme, pourquoi pas, d’installer une rédaction à Bruxelles pour y suivre l’actualité européenne au plus près des prises de décisions.

Gafam : une perte de confiance « en nous »

Côté Gafam, David Guiraud ne mâche pas ses mots, « ils ont haché le cerveau des gens », alors que le groupe a d’ores et déjà budgétisé 3 millions d’euros à recevoir de la part de Meta et Google dans le cadre des droits voisins. Pour lui, les Gafam « nous ont fait perdre confiance en nous [les médias, NDLR] ». Nous « resterons à négocier et à prolonger les discussions le plus loin possible. Ces acteurs ne nous respectent pas », s’insurge-t-il, alors que le numérique est pour lui devenu « une zone de non-droit ». Le dirigeant glisse par ailleurs que le groupe Ouest France avait refusé à Google le droit de modifier ses contenus, notamment les titres. « Nous sommes sans doute les premiers à l’avoir fait », insiste-t-il. Évidemment concernée par les développements vitesse grand V de l’IA générative, la direction du groupe indique que la rédaction d’un texte dédié à sa pratique est « en cours ».

Par ailleurs interrogé sur les États Généraux de l’information qui viennent d’être lancés, François-Xavier Lefranc se montre circonspect : « ça part bizarrement, nous avons très peu d’informations. C’est troublant alors que c’est important. Sur la forme, cela me pose problème ». Toutefois, le groupe souhaite participer activement, être dans les groupes de travail et/ou proposer des contributions, notamment sur l’éducation aux médias ou encore sur la régulation des plateformes. Enfin, sur l’épineux et parfois polémique sujet des aides à la presse, les dirigeants du groupe Ouest France se disent favorables à « une aide aux lecteurs ». Une idée « que l’on aime bien car les gens sont soupçonneux concernant les aides directes aux titres ».

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