Altice se désengage de Libération via un Fonds de Dotation pour une Presse Indépendante

Libération

Laurent Joffrin, directeur de la rédaction de Libération

(© Boby pour Libération)

Un retrait. En douceur. Le groupe Altice (BFMTV, RMC, SFR…) a joué la surprise en annonçant jeudi se séparer de Libération qu’il avait racheté en 2014, alors en dépôt de bilan. Et le groupe de Patrick Drahi a choisi de transférer le quotidien dans une société à but non lucratif, créée pour l’occasion. A l’image de Mediapart qui a ainsi sanctuarisé son capital sur ce même modèle, Altice crée donc un Fonds de Dotation pour une Presse Indépendante. Celui-ci, via une filiale, Presse Indépendante SAS, acquerra Libération, sa régie et sa société de développement technologique. Afin de rembourser « l’intégralité des dettes » de Libération, mais aussi de lui donner « progressivement » les moyens nécessaires au financement de son exploitation future et ainsi « garantir son indépendance à long terme », Altice indique qu’il dotera « substantiellement » ce Fonds de Dotation.

Une « totale indépendance éditoriale, économique et financière »

« Libération deviendra ainsi la propriété d’une structure non cessible et non capitaliste à but non lucratif », neutralisant ainsi les vicissitudes et/ou velléités capitalistiques. Ainsi constitué, ce nouveau Fonds redistribuera intégralement ses profits futurs à des fondations dont la Fondation de France pour son programme de soutien à Reporters Sans Frontières, la Fondation Hôpitaux de Paris et Hôpitaux de France et la Fondation SFR au profit de l’accès au numérique pour des publics fragiles, assure encore Altice. D’ailleurs, est-il encore précisé, tout mécène pourra abonder le Fonds de Dotation à des fins non lucratives et sous réserve de l’agrément de son conseil d’administration. « Aucun droit ne sera accordé en contrepartie de ces donations », souligne-t-on. Pour sa part, Patrick Drahi continuera « personnellement » d’accompagner l’avenir de Libération. Selon le communiqué, « cette nouvelle structure garantit à Libération sa totale indépendance éditoriale, économique et financière ». Celle-ci sera présentée aux instances représentatives du personnel.

Dans les faits, la gouvernance de ce Fonds sera assurée par un conseil d’administration où siégeront l’actuel directeur de la rédaction du quotidien Laurent Joffrin, qui selon des informations de presse conserverait cette fonction jusqu’à la fin de l’année avant d’en rester tout de même éditorialiste à compter de 2021. Outre M. Joffrin, le conseil sera composé d’Arthur Dreyfuss, directeur général d’Altice Média, et Laurent Halimi, directeur M&A d’Altice Europe. Le Fonds de Dotation nommera, à l’issue de l’opération, le management de Presse Indépendante SAS dans la perspective du départ annoncé de Clément Delpirou. Quant à la gouvernance de Libération, elle restera « inchangée », autour de deux cogérants. « Les droits actuels de la rédaction seront intégralement maintenus et garantis », insiste Altice. Logiquement, l’opération ouvre la possibilité pour les journalistes du titre d’avoir accès à une clause de cession.

Une décision "inattendue et non concertée"...

Les salariés de Libération ont salué ce projet mais regrettent que « cette décision, d'une importance fondamentale dans l'histoire et pour l'avenir de Libération, ait été annoncée de façon inattendue et non concertée », selon un texte voté à la quasi-unanimité par 150 salariés. Ils réclament « des garanties juridiques, financières et sociales » et « une association des salariés à la mise en place et à la gouvernance de ce dispositif ».

Économiquement, Libération n'est pas bénéficiaire mais, selon Altice, fait montre d’une « stabilisation du chiffre d’affaires qui permet d’envisager à court terme le retour à la croissance ». Il affiche cependant des dettes oscillant entre 45 et 50 millions d'euros, de source interne. Le quotidien revendique des abonnements numériques multipliés par six « en deux ans » et une Diffusion France payée (DFP) 2019 vs 2018 en progression de +6,29%, à 71 466 exemplaires. Sur le seul premier trimestre 2020, Libération enregistre +0,60% de DFP, à 71 578 exemplaires (source ACPM-OJD).

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