Stéphane Delaporte (366) : « la proximité crée la confiance qui crée l’engagement »…

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Proximité, territoires… Des termes plus que jamais au cœur de l’actualité de ces derniers mois. Le directeur général de la régie nationale de la Presse quotidienne régionale 366, Stéphane Delaporte, décrypte cette France qui a changé. Mais aussi coup de rétroviseur sur 2019 et les chantiers à venir pour la régie en 2020. Interview.

CB News : Pourriez-vous dresser un bilan de l’activité de 366 en 2019 ?

Stéphane Delaporte : 2019, est une année record pour 366. Nous avons fini l’année à +13%. Ce qui est intéressant à observer, c’est que nous avons quelque chose de linéaire dans cette progression, entre digital et print. Nous sommes revenus, en ce qui concerne le print, aux années 2015-2016. Le poids commercial de la PQR, je le rappelle, c’est plus de 622 millions € de chiffre d’affaires, dont 103 millions qui sont issus de la publicité nationale gérée par 366. Soit une hausse de +12,5% vs 2018 sur le print et un peu moins de 19% sur le digital. Depuis 3 ans cette progression s’amplifie d’année en année. Si je compare au marché, j’observe un vrai décalage positif en faveur de la PQR. Si l’on y regarde de plus près, le marché global de la presse a perdu environ 25%. Nous sommes clairement atypiques dans cette tendance.

CB News : À quoi l’attribuez-vous ?

Stéphane Delaporte : C’est principalement lié à ce que j’appelle le « phasing sociétal ». C’est à dire que toutes les valeurs émergentes dans le pays (transparence, quête de sens, circuit court…) sont nativement traitées par la PQR, car c’est sa fonction. Il y a une parfaite conjonction entre la fonctionnalité du média et les aspirations profondes des Français. Ce qui fait que notre positionnement, basé sur le local et la proximité, devient une évidence pour beaucoup de consommateurs, aussi bien via les contenus issus de la PQR que pour les produits qu’ils achètent. Nous sommes clairement pitchés, en tant que régie, sur ces sujets de proximité et de territorialité.

CB News : Est-ce la seule raison ?

Stéphane Delaporte : Non, bien sûr. Vous ajoutez à cela notre puissance : nos inventaires vidéo sont par exemple passés à 250 millions de streaming mensuel vs 50 millions en 2018. Notre organisation interne « désilotée » et « matricielle » a également permis de concourir de façon très importante à notre développement.  Nous avons aujourd’hui, à cet égard, une véritable équipe ad hoc capable de répondre aux pitches Opérations spéciales en mode agence, en s’appuyant aussi bien sur notre puissance, notre proximité et sur tout ce que l’on appelle le « local content » : notre capacité à adresser des problématiques dans le cadre des OPS avec les spécificités du local. Les OPS représentent d’ailleurs près de 10% de notre CA. Nous visons 25% de la construction de ce chiffre sur le digital afin de compenser l’effondrement du gré à gré par rapport aux enchères automatisées. Le gré à gré classique s’exprime pleinement avec les OPS. Tous ces éléments mis bout à bout, adossé à une bonne progression digitale des titres de la PQR, permet de dresser encore une fois un panorama positif pour la PQR.

CB News : 366 est au final une création récente avec son lancement officiel début 2015. Ces résultats signifient-ils que le travail de fond a payé ?

Stéphane Delaporte : En effet, les bons résultats que nous connaissons aujourd’hui sont le fruit d’un travail de longue haleine, mené depuis la création de la régie. Il faut du temps pour imposer la nouveauté, les concepts, les choix technologiques, pour implémenter des innovations dans notre écosystème qui je le rappelle concerne tout de même 57 marques. Cela ne se fait pas du jour au lendemain. Mais l’agilité est notre credo.

CB News : Quels sont vos projets pour 2020 ?

Stéphane Delaporte : Il y a pour nous 3 sujets majeurs : le digital, la consolidation de nos solutions de proximité locale et notre réponse aux problématiques RSE de nos annonceurs. Nous avons ainsi, en janvier, lancé notre offre à la performance via une DSP, AppNexus, avec une personne dédiée. Il est encore un peu tôt pour vous parler des résultats, mais ils sont pour l’heure excellents. Nous allons également amplifier notre DMP « Data 4 Local » lancée avec Weborama en septembre dernier qui fonctionne très bien. Aujourd’hui, 50% de nos campagnes programmatiques sont adossées à de la data. Et nous ne sommes pas tout à fait encore à pleine puissance puisqu’il nous manque encore quelques data de nos titres. Mais nous devrions les récupérer dans les semaines qui viennent. Nous travaillons également au lancement d’une offre de complément aux plans TV afin d’aller recruter les petits et non-exposés TV…  Tout comme à l'homogénéisation vidéo de l’écosystème PQR. Nous avons en outre des sujets très techniques, mais essentiels, de « resignatures » avec des prestataires dans l’adserving, mais aussi des chantiers avec des régies locales pour là aussi homogénéiser nos offres, notamment digitales.

CB News : Vous parliez aussi de la consolidation de vos solutions de proximité locale…

Stéphane Delaporte : Nous souhaitons amplifier notre expertise sur les audiences print locales. Pour cela, nous travaillons sur la connaissance de celles-ci, à la commune. Ce qui n’existe pas aujourd’hui. C’est un énorme travail ! Nous avons été chercher une société spécialisée dans la géostatistique dont je ne souhaite pas encore communiquer le nom. Nous allons appliquer son savoir-faire à la lecture de la PQR, en considérant qu’une interview menée par l’ACPM dans le cadre de son étude One correspond à un carottage sur le territoire. Nous avons testé et cela fonctionne. C’est un chantier très important pour nous car l’on apportera quelque chose de nouveau dans l’expertise et la maîtrise de nos audiences. Cette innovation nous permet toujours et encore de faire progresser notre crédibilité auprès des annonceurs. La proximité crée la confiance qui crée l’engagement, c’est le triptyque qui nous anime tous chez 366.

CB News : Et côté RSE ?

Stéphane Delaporte : Afin d’aider les entreprises à formaliser leurs messages RSE, nous avons créé un programme dédié dans le cadre de notre pôle OPS. Mais j’insiste, il ne s’agit pas là d’une nouvelle offre publicitaire. Nous procéderons à un audit de ce qu’il se dit sur la marque en faisant tout un travail de veille. En fonction de cela, nous proposerons un certain nombre d’actions avec, notamment, la mise en place d’un programme sous forme de manifesto avec des déclinaisons aussi bien print que digitales. Nous ferons également appel à des influenceurs locaux, mettrons en place des roadshows… C’est un sujet très engageant pour nos collaborateurs.

CB News : Mais est-ce votre métier ?

Stéphane Delaporte : Oui, tout à fait. S’il y a bien un média légitime pour démontrer concrètement la problématique RSE, c’est clairement nous !  À partir du moment, et c’est le pré-requis, où l’entreprise n’essaie pas de s’acheter une communication RSE à bon compte. Nous ne l’avons pas encore vendu, mais nous sommes pour l’heure très interrogé sur ce sujet.

CB News : Et vous, êtes-vous RSE ?

Stéphane Delaporte : Nous travaillons sur ce sujet. Nous affinons actuellement notre positionnement en la matière.

CB News : 366 pourrait-elle recruter de nouveaux titres en régie ?

Stéphane Delaporte : Nous avons déjà tout le monde dans la PQR (sourire). Notre réflexion en la matière porte plus sur le digital. Mais nous ne faisons pas n’importe quoi. Nous regardons la taille et puissance du site (VU, etc.), son secteur pour profiter des remontées de data et s’il est un concurrent de notre propre écosystème. La porte n’est donc pas fermée. Je rappelle que nous sommes le régisseur du GIE des Indés Radios sur le numérique.

CB News : Pourriez-vous avoir des TV locales en régie ?

Stéphane Delaporte : Nous attendons d’abord la publication du décret Publicité par le gouvernement. Nous verrons alors avec qui nous pourrions faire des choses. On ne va pas se l’interdire.

CB News : Quels sont les premiers enseignements que l’on peut tirer du lancement du label Digital Ad Trust ?

Stéphane Delaporte : Ce qui est important pour moi, c’est que ce label existe et que 98% de l’audience de la PQR soit labellisées. Cela nous positionne et nous crédibilise vis-à-vis des annonceurs. Je comprends qu’ils aient besoin de temps pour appréhender cette nouveauté. Quand je vois de grandes marques-annonceurs s’engager, je n’y vois que du positif. Je suis heureux d’avoir accompagné ce mouvement. Et heureusement qu’on l’a fait ! Je remercie à cet égard le SRI de l’avoir lancé. Le seul bémol, s’il y en a un, c’est la montée en puissance des revenus. On en attend certes les fruits, mais je n’ai pas de doute sur ce label. Par ailleurs, je me réjouis que 366 ait tout récemment obtenu le Visa Efficacité de l’Union des Marques pour son dispositif de mesure de l'efficacité des campagnes, développé avec Kantar.

CB News : Vous le disiez tout à l’heure, le marché global de la presse est en difficulté. Est-ce que cela peut changer, la courbe s’inverser ?

Stéphane Delaporte : Je pense que la question qu’il faut se poser en France, sur notre métier : quelle est l’avenir des régies ? Est-ce que l’on peut penser, qu’à l’échelle de 4-5 ans, il y aura autant de régies qui investissent des sujets communs séparément avec des moyens démultipliés ? Il y a une véritable réflexion à avoir. 366, à ce titre, est issue d’une telle réflexion avec son démarrage en 2015 par l’ensemble de la PQR. Pourra-t-on, ensemble, aller encore plus loin ? C’est un sujet.

CB News : Êtes-vous confiants pour 366 en 2020 ?

Stéphane Delaporte : Nous sommes vigilants. Certes, nous constatons de belles progressions mais nous sommes aussi tout à fait conscients du décalage positif que nous avons par rapport à d’autres types de presse. Nous sommes optimistes car nous sommes en phase avec la société dans son ensemble. Et puis j’aime ce paradoxe, contenu dans 366 : nous sommes issus de groupes de presse institutionnalisés et nous fonctionnons comme une start-up.

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