Ecce Dico : le post-partum...en agence

Depuis plusieurs semaines CB News invite les auteurs de  Ecce Dico - Design et communication - Abécédaire amoureux et illustré de la vie en agence, paru aux éditions Loco à nous livrer un mot chaque semaine. Cette semaine, une expression qui peut être heureuse...

Post-Partum [p.stpa.t.m] n. m. inv.

Quelle émotion ! L’accouchement s’est merveilleusement passé. Vous pouvez être fier de vous. Après tant de doutes, d’échecs, d’analyses en tous genres, après tant de mois de gestation, ce qui n’était que le germe d’une belle idée est devenu réalité. Oui, les premières semaines ont été difficiles, comme souvent. Vous ne saviez pas très bien où vous alliez, si vous aviez fait le bon choix. Ça vous rendait malade. On ne s’engage pas comme cela à la légère. Seriez-vous à la hauteur, capable de le porter jusqu’au bout ? Puis au fur et à mesure, les semaines s’écoulant, en en parlant beaucoup, avec les uns, les unes, les autres et même avec votre mère : “N’aie pas peur mon enfant, tu vas y arriver”, vous vous êtes rassuré. Et puis, voilà. Quel beau bébé !

Vous voyez, vous avez eu raison d’y croire : la campagne fonctionne pleinement. Les résultats sont exceptionnels. Le client vous a félicité. Carton plein. Projet suivant ! Mauvaise idée. Si l’on a beaucoup à apprendre de ses échecs : tout ce qui ne te tue pas te rend plus fort, on n’en a pas moins intérêt à tirer les enseignements de ses succès. C’est une démarche entretenue chez Pixar qui enchaîne les triomphes. La séquence est rituelle : le film est sorti et enflamme la critique. Tout est salué, la virtuosité du scénario, l’épaisseur des personnages, le brio de l’animation, la portée du thème abordé. Quant au box-office, là aussi, carton plein. Bref, un sans-faute ! Et pourtant, à chaud, les équipes, à défaut de refaire le film, refont le match. Toutes les parties prenantes du studio sont réunies pour un bilan post-partum. Chez Pixar, ils disent post-mortem. Ça revient au même, mais bon, à ce moment d’un projet – et c’est là une modeste inflexion que l’on pourrait leur suggérer –, il est plus cool de faire le point sur une naissance que de porter le deuil.

Tout est passé en revue. De ce bilan qui scanne toutes les étapes, il sortira trois choses que l’on identifiera  comme de bonnes pratiques et trois autres que l’on ne refera plus jamais. Ces six enseignements sont diffusés et mis en œuvre au cours du projet suivant. Ce retour d’expérience, très au point dans les organisations très structurées, systématique lors de missions militaires, est un impensé dans la plupart des industries créatives. Pour le meilleur et pour le pire, nous présentons une fâcheuse tendance à réinventer l’eau chaude. Au motif de la licence romantique de nos métiers, nous consacrons, sans en être conscients, beaucoup d’énergie à reproduire nos erreurs. Nous opposons liberté créative et méthode alors que tout est question de séquence. L’expérience prouve qu’il n’est pas interdit d’avoir quelques réflexes, lesquels permettent de gagner du temps ici afin de pouvoir mieux en perdre là. Nos disciplines, gouvernées par le principe d’incertitude, ont tout à y gagner.

SYN.

Bilan des courses, débrief, retex