Ecce Dico : vous avez dit QG ?

Ecce Dico

Depuis plusieurs semaines CB News invite les auteurs de  Ecce Dico - Design et communication - Abécédaire amoureux et illustré de la vie en agence, paru aux éditions Loco à nous livrer un mot chaque semaine. Cette semaine, deux lettres. Un sigle...

QG [kyʒe] n. m. inv.

Le Q...Jamais facile de s’acquitter du Q sans quiproquo, encore moins dans un abécédaire amoureux. Un vrai cul-de-sac parce qu’un dico sans Q, ça n’a ni queue ni tête ! Quoi qu’il en soit, impossible de laisser le nôtre entre deux chaises, donc va pour QG ! Pourtant, d’emblée, l’acronyme de quartier général pose question. Les allégories guerrières, les war room où mieux identifier les cibles et verrouiller les discours comme des missiles sur leurs objectifs, renvoient à une idée balistique et belliqueuse de la communication. Nous revoilà au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, en plein plan Marshall, lorsque des escadrons de marketeurs s’apprêtent à transformer une industrie de guerre en machine de guerre industrielle et commerciale. Dès lors, ils bombardent leurs messages sans discernement afin de coloniser nos temps de cerveaux disponibles. Certes, la compétition économique n’est pas une chimère et défendre des parts de marché, une notoriété, une réputa- tion n’est en rien condamnable. Mais de là à se la jouer, à se raconter en même temps que nos métiers sont légers et joyeux... Bref, QG parce qu’il faut bien un Q dans l’histoire. Et puis au fond, à bien y penser, autour d’un projet partagé, d’intuitions ou d’idées qui s’assemblent, quand le jus de crâne produit de la lumière et les collisions cérébrales des étincelles, entre frères d’âmes, il se dit quelque chose de nos disciplines et de nos pratiques qui relève de l’amitié, de la fraternité. De notre raison d’être ensemble, comme dans une compagnie. De danse ou de théâtre. Unité d’action, unité de temps et unité de lieu, les personnages sont réunis pour servir le même projet, au même endroit, en même temps. Difficile de faire agence sans créer les conditions d’une rencontre entre tous les acteurs. De ce point de vue, les deux années de pandémie que nous venons de traverser nous appellent, à froid, à en tirer quelques enseignements. Nous ne ferons pas machine arrière. Les crises ont accéléré des mutations. Les épisodes de grèves puis les confinements imposés nous ont placés devant le fait accompli. Il a fallu mettre en œuvre ce que nous pensions impossible. Le travail à distance est passé en quelques mois du mal nécessaire à la bonne gouvernance. Cette marche forcée a transformé notre rapport à l’immobilier. Des millions de mètres carrés devenus superflus et coûteux ont été abandonnés, dans le souci de préserver des hommes plutôt que des surfaces, tout en imposant dans le même temps une organisation flexible dans des espaces réaménagés et sensiblement réduits.

Le télétravail, jusqu’alors anecdotique, est devenu un prérequis pour les agences à l’écoute de leur corps social et un argument de marque-employeur. Deux ou trois jours de présence physique par semaine, quinze jours ou un mois de WFA (Work From Anywhere), le nouvel acronyme qui fait briller les yeux des jeunes nomades et des moins jeunes qui jusqu’alors n’osaient même pas en rêver : de fait, il est désormais impossible de faire machine arrière et d’imaginer imposer à nouveau des semaines complètes dans les locaux de l’entreprise, des temps de transports fatigants et improductifs, la promiscuité et les transhumances absurdes et à heures fixes sur la ligne 9, pour rejoindre des bureaux moins confortables où, à défaut d’avoir réservé en temps et en heure, on prendra le risque de devoir poser ses fesses sur un strapontin.

Impossible de revenir sur le climat de confiance qu’impose cette nouvelle organisation, loin des yeux, près de chez soi, grâce à laquelle se redéfinissent peu à peu de nouveaux rythmes dont une grande partie des collaborateurs se satisfont pour autant de raisons qu’il y a de modes de vie.

Mais impossible de faire agence sans passer du temps ensemble, sans rituels communs, en chair et en os, au QG, au central, dans l’atelier, dans la salle des machines, là où se fabriquent les réponses les plus brillantes. Impossible de faire agence sans se retrouver autour d’une table afin que puissent se déployer toute la richesse de l’informel, toute l’inventivité de l’impromptu. Pour qu’au détour d’un couloir ou autour d’un café, en parlant du temps qu’il fait ou de tout autre chose avec votre collègue, l’intuition du matin turbule, s’émulsionne, prenne corps et s’impose à vous. Afin qu’en un clin d’œil, vous vous soyez compris. Afin que se glisse dans les interstices de votre emploi du temps et d’un café partagé de quoi alimenter votre curiosité. Afin que, tous tendus autour du projet, s’en cristallise son cadavre exquis et lumineux. Il y a une magie des lieux et des rencontres qui scelle de beaux souvenirs, de belles réussites, des tranches de vie et des amitiés solides. “On se retrouve à l’agence ?”

SYN.

Agence, bureau, central

Ecce Dico

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